Voyage au fond d’un tableau...
Canaletto jette ses roses,
Sa palette est métamorphose
Sur les quais au petit matin,
La lagune bien que morose
Reçoit de son pinceau le teint…
Et sur les eaux vertes se posent,
Comme des vers en quatrains
Pareils Ă des mouettes qui osent
Chanter dès le petit matin…
Les Doges lĂ -bas se reposent,
Venise n’est plus qu’un dessin
Où la clarté se dépose
Au bout d’un fusain souverain ;
C’est comme si l’on jetait des roses
A la face du matin,
Canaletto fait bien les choses,
Venise est au fond d’un écrin…
Un peu de vent ride les eaux,
Là -bas s’amarre un grand bateau
Venu de loin,
L’on aperçoit des personnages
Qui sont en arrĂŞt sur image,
Un peu de brume dans le lointain,
Il y a des oiseaux de passage
En fond sur un grand ciel serein,
Je vois mon ombre sur le quai
Qui vient au tableau se mĂŞler,
VĂŞtu de noir et anonyme,
Une rose rouge Ă mon habit,
Canaletto me voit ainsi,
Il y a des masques qui rient,
Des femmes passent sur fond de vie,
Venise est calme comme un miroir,
Elle n’a que du rose pour fard
Et lĂ -haut le lion de Saint-Marc
Fend de ses ailes les brouillards
Aux roses capes de satin…
Le Maître prend son chevalet
Et disparaît au bout du quai.
Casanova va se coucher…
"Il Veneziano" (Livret galant)
Jacques Hiers
Texte déposé. Tous droits réservés.
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