L’inconnue
Depuis combien de temps ne suis-je revenu
Dans l’espoir de revoir la divine inconnue,
Oyez donc cette histoire de l’amour qui trépasse
Pour la belle inconnue vue rue du temps qui passe.
Elle venait vers moi descendant la ruelle,
Dans le soleil couchant, dieu comme elle était belle,
Il émanait de plus d’elle un charme fou,
Je me mis à la suivre, allant je ne sais où.
J’admirais sa démarche, son port de tête altier,
Sa poitrine opulente et sa croupe cambrée,
Ses jambes fuselées sous sa robe trop sage
Etait elle réelle ou était-ce un mirage ?
Ses longs cheveux volaient caressés par le vent
Et je pouvais sentir son parfum enivrant.
Je la suivais ainsi d’escaliers en venelles,
Guidé par les reflets de sa robe en dentelle,
J’étais un paon de nuit attiré par la flamme
Et je cherchais déjà quel était le sésame
Qui pourrait me permettre enfin de l’aborder
Juste pour le plaisir de l’entendre parler.
J’imaginais sa voix chaude et sensuelle
Et sa conversation serait spirituelle,
Je me noyais déjà dans l’éclat de ses yeux
Vivant de par avance des instants merveilleux.
Quel était son prénom ? J’essayais de trouver.
Avait il donc le goût du charme désuet ?
Je savais qu’il serait à nul autre pareil
Car comment pourrait on nommer telle merveille ?
Elle pressait le pas et semblait en retard
A quelque rendez vous sur le quai d’une gare,
Dans un hôtel discret ou un appartement,
Dans un jardin public ou au bord d’un étang.
Remontant maintenant une grande avenue
Je peinais à la suivre avec cette cohue,
J’avais peur de la perdre et c’est ce qu’il advint
Lorsqu’elle disparue déclenchant mon chagrin.
J’étais désemparé au milieu de la foule,
Pareil à un rocher où se brise la houle,
J’aurais voulu crier aux dieux mon désarroi
De la voir s’en aller à jamais loin de moi.
Je la cherchais longtemps en arpentant la ville
Je croyais voir partout son allure gracile
Mais tout était mirage, à mon grand désarroi
Jamais ce n’était elle, je ne la revis pas.
Rejoignant quelque amant, embarquant pour Cythère,
Elle emportait ainsi loin de moi son mystère
Pour telle Pénélope filer l’amour parfait
Avec son être élu, comme je l’enviais.
Dans ce quartier perdu je reviens quelquefois
Et en fermant les yeux soudain je la revois
Car je garde toujours ce souvenir fugace
De la belle inconnue vue rue du temps qui passe.
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Il ne faut jamais remettre à deux mains ce que l'on peut faire avec une seule (Pierre Dac)