Le paradis du démon
J'ai mal à la langue
Quand l'hameçon retient le mot,
L'arrache au bout des lèvres
Par la force d'un cri muet,
Le boucle parmi la foule des verbes tristes,
Ruant vers le bonheur au gré du moindre vent.
J'ai mal aux ailes
Quand la plume déserte la bouteille
Où réside le vœu qui résume toute la vie,
Laissant le mot à la merci des moindres vagues,
Espérant atteindre l'île aux poètes
Avant que l'encre ne noie les yeux dans une éternelle nuit.
J'ai mal aux yeux
Sous l'averse qui inonde la joue jusqu'au cou,
Quand le ruisseau glisse dans le bois
Telle une larme de plus dans l'océan des douleurs,
Cédant l'oreille à l'écho du moindre silence
Des souvenirs gardés précieusement sous la paupière du cadavre du cœur.
J'ai mal à la tête
Quand le rêve absorbe le pas meurtri,
Le conduit loin de l'épaule des espoirs debout,
Le traîne tel un cadavre présent aux noces de tous les vivants,
Chantant des refrains de joie sous le bruit de la moindre brise
De l'air frais au pied du paradis du démon.
J'ai mal à la main
Quand la joie se dérobe entre les doigts du destin,
Gravant des plaies sur les empreintes d'un age perdu,
Jeté aux flammes de la nostalgie dans une mémoire ignorante,
Dans une chair inculte sans le moindre frisson
D'un geste tendre et avenant dans le pays de la solitude.
J'ai mal au cœur
Quand le bonheur s'éteint sur une contrée sans saison,
Après la dernière bougie effacée du regard
Et le dernier clin d'œil enterré dans les yeux,
Après la vie noire qui ôte au visage le moindre sourire blanc
Dans le conte des pauvres momies O combien riches de temps.
Abdelkader Guerine