Le silence revient sur le rocher,
Les passants sont passés,
Ils ont beaucoup piétiné,
Leurs semelles trainées
Sur les pavés usés…
Attablés derrière les baies vitrées,
Il reste les dineurs,
Un peu gênés
De se voir regarder
Par ces promeneurs,
Qui reviennent aux dernières lueurs,
Sur les remparts cheminer,
Espérant peut-être croiser
De vrais iliens, flânant le long des escaliers…
Mais St Michel se vide, inexorablement,
Et se comptent les habitants,
Comme en secondes le temps…
Alors, quand il n’y aura plus de montois,
Le Mont deviendra quoi ?
Un de ces ensembles dortoirs,
OĂą brilleront de faux miroirs,
Pour touristes en mal d’espoir,
Dont les yeux en passoires
Ne savent mĂŞme plus entrevoir
Les larmes et les drames de son histoire ?
Par beau jour, il n’y a même plus de ces vraies odeurs,
A peine quelques couleurs de fleurs.
Un deux trois rosiers rescapés
Du lissage hĂ´telier,
Un lilas blanc esseulé,
Quelques herbes folles oubliées…
Plus de murmures,
Au creux des murs…
Plus de fenĂŞtres laissant fumer
Le parfum des tartes de fruits mûrs,
Ou celle des repas longuement mijotés.
La rentabilité vient écraser
L’hospitalité.
L’argent,
Le sonnant et le trébuchant,
Ont délavé
Les traces dépassées…
Et puis le crépuscule s’est levé,
Les façades en ocre se sont rhabillées,
La flèche s’est illuminée,
L’archange terrassant les démons
De ces hommes aux vaines passions…
Doucement il les a guidés,
Ils ont passé le porche de l’Avancée,
Un peu titubé sur les pierres mal jointées,
Et se sont arrêtés,
Pour contempler…
Tous ils se sont tus,
Assis sur la roche nue,
De bouger se sont abstenus,
De penser se sont retenus,
Posant leur âme émerveillée
Sur la mer épuisée,
D’avoir toute la baie remontée,
Et qui déjà repart en arrière
Délaissant les murailles si fières,
Sans même le temps d’une prière…
Parfois même, Ils ont hésité
Les appareils à déclencher,
Comme si un souffle de bruit
Pouvait par trop hâter la nuit,
Comme si des raies de rose lumière,
Sur ces reflets de gris amères,
Ne devaient pas être gardées
Sur du papier trop glacé.
Quand le soleil est tombé,
Les oranges se sont bleutés,
Les faisant s’en retourner,
Vers cette vie d’hommes agités,
Laissant le Mont Ă ses regrets,
Déjà la marée descendait….
Les Mots en Poussières.2011
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Françoise Pédel Picard