La bouche rouge et close
Ne lâchera aucun mots
Malgré les ecchymoses
Qui tâchent mon kimono.

Un peu de poudre de riz
Masquera mes cernes bleus
De mes nuits Nagasaki
Qui brûlent au fond de mes yeux.

Assis à ma coiffeuse,
J'attends comme une femme
Patiente et sulfureuse
Qui noie ainsi le drame.

Je charbonne mes paupières,
Érige des barrages
Et détourne les rivières
Après les grands orages.

Je relève mes cheveux,
Juste en face du miroir
Car tout ça n'a rien d'un jeu
Où l'amour est accessoire.

Assis à ma fenêtre,
J'attends comme une geisha
Insoumis à tes lettres
Qui n'arrivent toujours pas.

Je fais un nœud sur mes reins
D'un bout de tissu fleuri
Qu'il défera de ces mains
De vieux cowboy, de yankee.

J'enfile mes sandales
Qui viennent alourdir mes pas
Sur cette terre instable
Qui t'éloigne tant de moi.

Assis sur un lit d'enfant
J'attends comme une poupée
Qui regrette encore le temps
Où nous deux savions jouer.

Je regarde s'endormir
Le fruit d'un amour lointain
Qui ne sait pas que le pire
C'est que cet amour s'éteint.

Je tamise la lumière
Et Nagasaki s'endort
Malgré l'intime guerre
Qui ne compte pas de mort.

Assis sur le lit défait
J'attends comme un papillon
Venu se battre, danser
Et mourir près d'un lampion.

Pour me faire hara-kiri,
Je laisse mon éventail
Et mon kimono sali.
Je suis Madame Butterfly.