Tu es parti un soir, cela fait vingt ans déjà .
Mais je ne t’ai pas oublié, tu es toujours là au fond de moi.
Te rappelles-tu de tes nuits blanches à m’attendre
Quand je tardais Ă rentrer ?
Tu étais inquiet, mais ton inquiétude s’estompait
Dès que j’étais de retour.
Quand je préparais mes examens, tu venais souvent
Me tenir compagnie dans ma chambre.
Tu somnolais, mais tu restais là à côté de moi
Pour me donner du courage.
Quand je rentrais de mes longs séjours de Paris,
Ton visage rayonnait et la joie se lisait dans tes yeux.
Un jour, je t’avais annoncé une mobilité pour un poste dans le nord.
Sans te rendre compte, une larme de tristesse avait coulé sur ta joue.
Et j’ai dû décliner l'offre.
Matinal, tu te levais pour la prière de l’aube.
Et après, c’est le rituel du va et vient vers la porte d’entrée du jardin,
Plateau de thé à la menthe entre tes mains.
Du pain chaud et de l’huile d’olive en priorité
Pour tous les nécessiteux qui passaient et sonnaient à notre porte.
Et nous, on rouspétait, parce qu’on n’avait pas encore pris
Notre petit déjeuner.
Mon père ! Te rappelles-tu, de la "zakat" (1) que tu sortais après la moisson d’été ?
Tu prenais le dixième et tu l’étalais sur une grande bâche dans la cour de notre maison à la Campagne.
Et les gens qui étaient dans le besoin venaient de tous horizons, à dos d’âne, sur des charrettes Chercher leur part de la moisson de blé.
Le jour de l’aïd, tu enfilais ta belle djellaba blanche et tu mettais ton turban blanc assorti.
Tu attendais dans le grand salon, famille et amis qui venaient te souhaiter par tradition la bonne fête. Tu récitais le Coran par cœur. Et pour cela, on t’avait surnommé « le fkih ». (2).
Te rappelles-tu quand mon petit garçon l’aîné est né. Tu es venu à la clinique de maternité, le sourire Sur tes lèvres, tu as récité la « chahada » (3) à son oreille.
Ton humilité n’avait d’égal que ta générosité et ta simplicité.
Tu es parti un soir, alors que rien ne laissait présager ce départ.
J’avais passé toute l’après midi avec toi dans cette clinique.
J’habite aujourd’hui le même pâté de maison.
Comme si le destin avait voulu me sceller à ce lieu où je t’ai quitté pour la dernière fois.
Je me rappelle toujours, juste avant de partir, tu m'avais serré très fort la main, comme pour me transmettre ta bénédiction.
Paix et Miséricorde sur toi "Père". Et que Dieu nous pardonne les peines que tu as endurées pour nous élever dans le droit chemin. Amen.
(1) L'une des cinq piliers de l'islam : l'aumône (2) Le saint (3) L’une des cinq piliers de l’islam : il n’y a dieu qu’Allah et Mahomet est son prophète
----------------