POUM ET LE PAPILLON
Le petit papillon pleure dans son cocon.
Ses ailes le grattent, il ne peut plus bouger.
Il a grandi et le cocon est trop petit.
Il a envie et il a peur de connaître ce monde dont il entend le bruit quelquefois.
Il a des visons de bleu, de souffle d’air sur ses antennes, mais il sait bien que ce ne sont que des rêves.
Il a chaud et il étouffe.
Il veut sortir, il se décide, il attaque.
Il tente de couper un à un les fils qu’il a tissé lui-même pour se protéger, il y a longtemps déjà .
Les fils ont durci, plus il en coupe, plus il y en a !
Il se décourage, il s’arrête.
Il recommence !
Il y est presque mais la coque extérieure est si dure, desséchée par le temps.
Il n’a plus la force, il ne peut plus ;
Plus de place dedans et pas moyen d’en sortir.
Mais il entend une petite voix douce venue de l’extérieur :
« petit papillon, tu m’entends ?
-petit papillon, tu es là ? »
« Non »
murmure le papillon, qui se souvient vaguement des voix d’enfants du village qui lui criaient :
« Tu vas bientôt sortir de là . Oh ! le paresseux qui dort »
Mais il n’était pas prêt encore. Et les enfants secouaient son cocon et lui trop petit se cognait aux parois, ballotté, ballotté. Comme il se sentait bien alors, protégé par son cocon.
La petite voix douce reprend :
« Je suis là , moi, dehors le soleil brille, la brise souffle, il y a des fleurs. Petit papillon, je ne peux pas t ‘aider à couper ton cocon si tu ne me dis pas que tu es prêt. Je pourrais te blesser. Petit papillon, si tu as envie de sortir, si tu as besoin d’aide il faut que tu le dises. »
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Poum est lourd, Poum babille, tend ses bras, mais il ne marche pas.
Poum tient pourtant sur ses jambes. On le lâche, il tremble, il plie les genoux, il s’assoit. Poum ne pleure pas. Il regarde, tend les bras, on le relève, il rit, serrant les deux doigts qui l’assurent, il fait un pas.
Il sait très bien ce qu’il faut faire.
Plier le genou, avancer le pied, changer d’équilibre.
« Doucement Poum, doucement, tu ne sais pas marcher et tu voudrais courir »
Poum attrape la chaise sur la terrasse, elle glisse, il la suit, mais au bord de la pelouse l’herbe l’arrête. Poum la pousse, Poum la tire, elle ne bouge pas.
Poum lâche un bras.
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Le petit papillon a mouillé de ses larmes les fils du cocon durci en entendant cette petite voix qui lui laissait le choix. Il essaye encore une fois de couper les fils, et voici que les fils ramollis par ses larmes se coupent comme du beurre. Un fil et un fil, et encore un fil, l‘avant dernier mais pour le dernier, le petit papillon hésite. Un léger courant d’air le décide. Et hop ! il coupe.
Puis il risque un oeil, une antenne, une patte.
Il sent l’air, le soleil.
Il sort complètement du cocon, sans le lâcher, s’y cramponne pour ne pas tomber.
Il tourne la tête.
Ses ailes serrées sur son dos sont misérables et grises, pas du tout dorées comme il en voit virevolter sur l’herbe.
Il pleure, il pleure et il a honte de pleurer. ;
Tout gris, tout triste.
« Petite voix, tu es là ? » Appelle-t-il tout tremblant.
« Quand tu m’appelles, je suis là . Ne pleure pas, petit papillon, tout s’arrange, tout passe, tout sert à quelque chose. Chacun est comme il est.
Regarde cette goutte d’eau sur le brin d’herbe. Elle est pareille à toutes les gouttes d’eau, elle tombe du ciel et se retrouve dans la flaque. De temps en temps, une d’entre elles tombe sur un brin d’herbe, et quand elle glisse, regarde ! »
La goutte d’eau glisse, le brin d’herbe se penche, et un rayon de soleil vient caresser la goutte d’eau qui un instant resplendit de milles feux, s’irise de mille lumières.
Le petit papillon, bouche bée, en oublie de pleurer. Il regarde chaque goutte d’eau espérant revoir le miracle.
« Oui, mais je ne suis pas pareil aux autres papillons. Ils sont tous dorés et, moi, je suis tout gris »
« Petit papillon, ce n’est pas grave, l’important c’est de faire ce pour quoi on est fait, le reste vient après »
Le petit papillon regarde les autres. Il pense que gris ou pas, il a des ailes, il peut voler, il veut voler.
Il retient son souffle et tend ses ailes. Il frémit. Le vent à ce moment souffle légèrement et le soulève du cocon.
Surpris, le petit papillon a ouvert les ailes et il s’envole vers le soleil.
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Quand il a ouvert ses ailes, un éclair bleu a jailli. Ses ailes couleur de cendre à l’extérieur étaient à l’intérieur, plus bleues que le ciel et la mer réunis. Un bleu pur, lumineux et brillant. Poum a ouvert la bouche et tendu la main, mais le papillon s’éloigne. Poum lâche l’autre main. Il ne réfléchit plus, il fait un pas, il avance les bras tendus vers le papillon, il fait un autre pas, et un autre, il ne marche plus, il court :
« Regardez, Poum marche, Poum marche »
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-1997-
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Cultivez votre amour de la nature, car c'est la seule façon de mieux comprendre l'art! (Vincent Van Gogh)