[...]Nous marchions tous les deux autour du lac dans l’enchantement de l’immobilité et du silence ; la réalité de nos vies devenait lointaine comme le monde trop souvent déchiré par la haine ; nous ne savions plus où nous étions sur l’échelle de l’avenir et l’absolu œuvrait au travers de nos formes.
Soudain elle s’arrêta et me fit face en disant j’ai retrouvé la lettre de Diderot à Sophie Volland, dont tu me parlais ; le 15 octobre 1759 il lui écrivait que le sentiment et la vie sont éternels, que son espoir était de se confondre, avec son aimée dans la mort, imaginant que leurs molécules se rechercheraient et se toucheraient dans la glèbe. Avec gravité elle arracha l’un de ses cheveux, en prit un des miens, les enroula tous les deux, les mit dans la terre comme s’ils devaient germer un jour. Par ce simple geste, elle offrit notre amour au devenir de la nature. Nous reprîmes la marche en silence, la forêt semblait sourire et nous étions présents tous les deux dans le temps.
Transportée dans une rêverie, par cette métonymie amoureuse où un cheveu représente le tout, elle exprimait cette douce chimère d’union éternelle et de fusion ; elle nous plaçait dans une éternité de poussière qu’elle m’assurait en elle et avec elle.
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Pierre-Louis SESTIER
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