Plume d'or Inscrit le: 31/10/2007 De: Envois: 960 |
Le pupitre d'écolier Retrouvailles
Il en a vu des générations de garnements, user leurs fonds de culottes sur son banc de bois vernis et s'il pouvait parler, il raconterait la multitude de cancres et de râleurs, de sages et de dissipés, de génies en herbe et de distraits qui se sont assis les uns après les autres sur ses planches maintenant vermoulues. Ah oui ! s'il pouvait parler, il vous dirait ces petites fuites mal maîtrisées quand les rires sous cape fusaient à la vue des grimaces des uns, des langues tirées des autres, tout cela malgré le regard qui se voulait être sévère des maîtres et des maîtresses qui ont défilé tout au long de sa vie active. Le pupitre, chaque année repeint, tentait ainsi d'oublier les encriers renversés, les coups de plumes rageurs, les cœurs et les prénoms gravés à la pointe du compas. Paradoxalement, les livres et cahiers des élèves appliqués restaient bien en place sur son plan légèrement incliné, alors que tombaient systématiquement ceux des tire-au-flanc qui gagnaient ainsi, à les ramasser, des minutes précieuses les amenant à l’heure de la cloche libératrice et annonciatrice de la récréation. Banc et table reliés par deux tubes d'acier qui les rendent indissociables, le pupitre d'écolier a traversé le temps et si « l'homme est un miracle sans intérêt », l'intérêt d'un tel mobilier fut de faciliter l'apprentissage du savoir à une ribambelle d'enfants. Ils leur avait apporté le confort pour qu'avec application soient remplies des pages d'écriture faites de pleins et de déliés ou que soient apprises ces cruelles tables de multiplication.
Qu'est-il devenu ? Il a disparu, un jour, sans qu'on y prenne garde. Quand un modèle bien plus moderne fit son entrée dans les salles de classe. Il fut alors relégué dans un grenier ou pire encore dans une cave humide. Mais un jour, au détour d'une visite dans un chai plusieurs fois centenaire, devenu hall d'exposition et de vente de mille objets hétéroclites, artisanaux ou mécaniques, artistiques ou fonctionnels, alors que les senteurs des huiles d'olive, et d'argan, les fragrances de santal et de lavande embaument les lieux jusqu'aux poutres de l'imposante et magnifique charpente, dans ce lieu où ces mille senteurs et objets, auraient dû m'entraîner dans des voyages lointains, je le vois. Il est là , le pupitre d’écolier, timidement posé dans un coin, si petit, se faisant presque oublier. Un peu vieilli, verni et peinture écaillés, tubes d'acier rongé par la rouille. Mais le voyage que je fais alors grâce à cette rencontre est une remontée dans le passé et se réveillent des flots de souvenirs heureux de mon enfance.
Agate (LnG)
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