J’ai souvenir de cette mère
Elle-même éclose d’un œuf,
Laquelle conçut ma rivière
Pour m’en sortir en homme neuf.

Je tente encore, sans fatigue,
De couler droit vers l’océan,
Malgré l’obstacle de la digue
Aussi gênante qu’un carcan.

Comme une pluie intemporelle
Je serpente dans le brouillard
Qui déforme la citadelle
De mon enfance de trouillard.

L’horizon n’ouvre aucune porte
Ni d’écluse au milieu des champs ;
Et moi je suis sans une escorte,
Dans un soleil toujours couchant.

Pas une âme dans cette brume !
Pas de reflet ! Pas de corps nu !
Mon cœur est lourd comme une enclume ;
Je ne suis pas le bienvenu.

Mes yeux de gosse ne voient guère
Les quelques branches du sommet
Qui tendent vers moi une guerre
Comme des ogres affamés.

Sortir ! Sortir de cette impasse !
Comme une bouteille à la mer,
Ma tête est une calebasse
Que lèchent des baisers amers.

Pourquoi refuser l’échéance ?
Pourquoi réfuter cette mort ?
Mon onde se clame puissance
Et son courant, un coffre-fort.

Ultime hommage à cette boule,
Je me dresse dans le décor,
Maudissant cette forte houle
Au chant perdu des anges d’or.

Debout ! Enfin ! Devant l’immense
Étendue aux parois de sang.
La lumière n’est pas intense
Mais le chemin, réfléchissant.

Je vois, sans phare, une île blanche
Comme un coton immaculé ;
Pointant le doigt comme revanche
Je ricane au ciel refoulé.

A genoux sur la vague épaisse,
Je hurle à mon dieu souverain :
« Ouvre-toi, Terre ! Que je naisse ! »
Comme un nutritionnel refrain.

Dès lors j’ai vécu de prières
Pour quémander des jours entiers.
En relevant chaque barrière,
J’ai combattu par vers altiers.

Ma chair est lasse dans sa vie ;
Ce jour est-il enfin repos ?
Derrière moi, comme une envie,
Mon ombre est là tel un dévot.

J’ai caressé tant de prairies,
Tant de jardins ensoleillés,
Que je demande à ma patrie
Un voile de grés peu souillé :

Epitaphe :

« Ici-gît un poète en rime
Par des mots, il s’est déchaîné.
Vous lirez sur la page intime :
Il est mort nu, comme il est né. »


Phileau

Il est mort nu ..mais il avait de'la gueule' ce poète.!!
On ne va pas l'oublier.!!

Merci à toi d'être passé lire cette odyssée !

Bonjour Phileau, content de te retrouver en cette rue. pour y lire dans son ombre tes bien jolis quatrains.J'ai bien aimé cette rencontre avec toi, poète musicien,j'ai écouté ta lyre et pris un grand plaisir à te lire.
Merci pour cet agréable instant de plaisir.
Mon amitié.

Capricorne

Bonjour Capricorne, merci pour tes mots.

.....Rigueur..... On se comprends, mais très joli poème tout de même...

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Avec un début de cosmogonie orphique, voilà une nostagie qui travaille le voyageur sur son chemin.

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