Plume de soie   Inscrit le: 28/12/2009 De: Envois: 102 |
Traité de solitude J’ai enterré un ami aujourd’hui. J’ai penché la tête vers ce trou et j’ai remarqué qu’il était de la taille du manque qu’il pouvait y avoir dans ma vie. Je le connaissais mal cet ami mais il l’était quand même. A-t-on besoin de connaître les gens sur le bout des doigts pour se rendre compte à quel point on les aime quand ils partent ? Non, enfin moi je ne crois pas. J’ai la vie à perte de vue. J’ai un avenir moi. Voilà ce que je trouve injuste, c’est que j’ai un avenir et pas D. Je me sens coupable. Coupable. Coupable de pleurer autant que les gens qui le connaissaient plus que moi et coupable de sourire quand la peine est plus légère. Je ne sais pas pourquoi la peine ne part pas comme elle est venue, violemment. J’ai de la peine car j’ai enterré un ami aujourd’hui.
J'ai pensé à lui aujourd'hui. Je me suis demandé ce que M aurait dit pour conjurer ma peine. Il n'aurait pas rit, c'est sur. Il aurait été là sans juger mes pleurs ou mes raisons de pleurer. Ce garçon-là a changé ma vie. Sans le savoir. Il m'a permis de croire que tout était possible, que je pouvait être aimé. Désormais, j'ai peur. J'ai peur de partir sans être aimer, sans connaître de vrai frisson. J'ai encore son numéro. Je ne l'ai pas effacé comme je n'ai pas effacé celui de D. Il m'arrive même d'appeler D pour entendre sa voix mais un jour la dame me dira que le numéro n'est plus attribué. Ce sera une deuxième mort pour D. Je ne dois pas l'oublier pour ne pas le tuer encore et encore. J'ai 23 ans et j'ai déjà peur. M ne me donne plus de nouvelles depuis que je lui ai dit que je l'aimais. Apparemment, l'amour fait peur. Moi, j'ai un peu peur de la vie car j'ai pensé à lui aujourd'hui.
Je me suis senti seul aujourd'hui. Je me suis rendu compte qu'on était seul. Tout le temps, seul. Comment faut-il vivre dans ces cas-là ? Faut-il vivre pour soi ou pour les autres? J'ai toujours eu l'impression que je vivais pour les autres et que je ne pensais jamais à moi. Je me trompe peut-être. A force de croire que je ne suis pas un homme égoïste, sans doute que je le suis devenu, égoïste. Je n'en sais rien. Les gens autour de moi me voient-ils? Est-ce que je les vois, moi? Je m'imagine toujours que leurs vies est plus simple que la mienne. J'ai tout faux. Nous sommes seuls dans notre vie, nous ne pourrons jamais être plusieurs pour faire face aux difficultés qui s'imposent à nous. Tout le monde est seul alors je me suis senti seul aujourd'hui.
J'ai senti qu'elle n'était plus là aujourd'hui. J'ai senti E partir lentement, j'ai senti sa terre se dérober sous mes pas. La distance s'est installé depuis que D est mort. J'ai cette peine en moi qui ne veut pas s'éteindre et elle tente de vivre du mieux qu'elle peut. E a raison et j'ai tort. Je le sais. Je sais bien que ma vie ne peut pas s'arrêter là . Mais j'ai mal à la vie et je ne peux pas faire autrement que de laisser aboyer les chiens. Je reviendrais dans sa vie si elle le veut bien. Elle m'attendra, j'espère. Et si la mort ne nous séparait pas que de ceux qui trépassent. Elle nous sépare peut être un peu aussi des vivants car j'ai senti qu'elle n'était plus là aujourd'hui.
J'ai décidé d'oublier aujourd'hui. J'ai décidé de fuir la réalité quelques moments pour créer ma réalité. Je voudrais monter dans un train. Partir. Être certain de ce que je quitte mais aussi inquiet de ce qui m'attend. C'est joli les trains, c'est rempli de promesses. D est parti sans savoir où il allait. Et je n'ai pas mal. Non, je n'ai pas mal. Cette douleur n'est qu'une illusion de plus pour me faire flancher. Je ne peux pas avoir mal. Je n'ai pas le droit d'avoir mal. Les gens doivent avoir raison, je n'ai pas le droit d'avoir mal. Alors, je voudrais faire comme D : partir les yeux bandés vers l'inconnu. Je ne veux pas mourir, je veux partir. Je veux vivre alors j'ai décidé d'oublier aujourd'hui.
Je n'ai pas oublié aujourd'hui. J'ai tout essayé. J'ai bu, j'ai ri, j'ai parlé. J'ai tout fait sans pouvoir vraiment arriver à enlever son visage de mon esprit. Je dois trop me projeter. Je dois m'imaginer que c'est E qui est morte et pas D. Je lui ai envoyé un message, c'est ma bouteille à la mer. Je veux que personne n'y réponde et je voudrais que quelqu'un le comprenne. Je ne sais pas ce que je veux. J'ai envie d'être nul part et partout, être seul et avec tant de monde. Je ne sais plus où j'en suis car je n'ai pas oublié aujourd'hui.
J'ai perdu mon passé aujourd'hui. J'ai échappé dans un gouffre immense tout ce qui était moi. Ce n'était que des phrases, des mots alignés qui voulaient sonner juste. J'écrivais, je n'écris plus depuis longtemps maintenant. Et voilà que j'ai perdu ces traces de mon moi d'avant. Je ne pourrais plus relire les bêtises que j'avais abandonner sur les touches d'un ordinateur. Je suis un peu triste. Je crois ne plus pouvoir écrire de tel chose. Je les trouvais assez belle, finalement. C'était une grande partie de mon jardin secret. Je n'ai plus de jardin car j'ai perdu mon passé aujourd'hui.
Ça fait un mois aujourd’hui. Un mois, une éternité, pas grand-chose en fin de comte. J’ai l’impression que c’était hier mais d’avoir, en même temps, vieilli de 10 ans. J’ai perdu en illusion, ça c’est sûr. Quelle doit-être leur peine? Je me pose souvent la question pour relativiser la mienne. Je fais ce que je peux, je n’y arrive pas toujours. Un mois, 31 jours, beaucoup de larmes, tant de questions… Ma vie a changé en quelques temps, en quelques secondes à vrai dire. Mon regard sur les gens a changé, sur leur peine. 31 jours que j’y pense car ça fait un mois aujourd’hui.
J'ai décidé d'écrire aujourd'hui. J'ai décidé de me remettre à poser ma douleur sur le papier. J'avais essayé d'arrêter en espérant qu'elle disparaisse plus vite. Mais rien n'y fait. Je ne sais pas quoi écrire mais j'ai décidé d'écrire aujourd'hui.
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