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     L'inconnu (Les amitiés particulières)
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Expéditeur Conversation
njb880
Envoyé le :  3/3/2010 16:09
Plume de soie
Inscrit le: 28/12/2009
De:
Envois: 102
L'inconnu (Les amitiés particulières)
Elle n’avait pas mis les pieds dans leur petit appartement depuis quelques jours et vivait chez ce garçon que Pierre n’aimait pas beaucoup. Il avait donc investi entièrement le deux pièces comme s’il vivait seul. En entrant, elle se dit que, même gay, il ne faisait pas vraiment attention à l’environnement dans lequel il vivait.

Ils étaient arrivés main dans la main dans la nouvelle ville pour faire leurs études et dans un souci d’économie et pour parer à la peur, ils avaient choisis de vivre ensemble. Galant, Pierre lui avait laissé la chambre et dormait tous les soirs dans le salon mais seulement jusqu’à ce qu’elle ne trouve Nicolas. Il est de ces garçons avec qui l’on doit coucher, mais pas sortir, tellement sûr de lui qu’il rendait les gens autour de lui quantité négligeable. Il dégageait une odeur d’orgueil qui faisait fuir Pierre à des kilomètres. Malgré tout, il gardait pour lui ce sentiment comme on étouffe les braises d’un feu qui ravagerait tout sur son passage.

Il tenait trop à elle pour lui dire quelque chose à propos de lui. Elle était belle, elle n’était pas consciente de la force et du respect qu’elle pouvait dégager. C’était pour ça, que Pierre l’aimait. C’était pour ça qu’ils s’étaient rencontrés quelques années auparavant. Pierre s’était dit qu’une telle force ne pouvait cacher qu’une plaie béante et que les âmes désabusées ou abusées ne pouvaient être que des âmes sœurs. Elle avait ses plaies, il avait les siennes et personne ne s’en plaignait et l’un pansait les plaies de l’autre. Quant à elle, elle avait lu dans son regard la compassion et non la pitié qu’elles pouvaient provoquer, elle et son histoire. Ça l’avait rassuré. Ils s’aiment et ils aiment à dire que c’est de l’amitié en mieux et de l’amour en plus profond.

Le petit appartement se composait d’une pièce principale avec un salon et une cuisine. A droite de l’entrée, il y avait la salle de bain et à gauche, il y avait la chambre.
Elle passe donc au travers des vêtements sales ou propres, elle n’en sait rien, pour accéder à la cafetière. Ils s’étaient vite retrouvés autour d’une passion commune : discuter autour d’un café avec une cigarette au bord des lèvres. Bien décidée à l’attendre pour lui faire la surprise de sa venue, elle vaincra l’attente avec un café noir, une cigarette et une télévision qui ne capte que le service public. Elle s’assoit sur le canapé recouvert de tellement de chose qu’elle n’ose pas y toucher et préfère les pousser pour s’aménager une place. Du canapé, quand la porte est ouverte, on peut apercevoir la chambre. La porte était entrebâillée. Avant d’allumer la télé, elle remarque que les volets de la chambre étaient en pointe comme ces jours de canicule où l’on cherche la lumière sans la chaleur qu’elle peut provoquer. Mais à cette saison, Limoges ne connaissaient pas la canicule, elle connaissait seulement la neige et le vent glacial.

Sans un bruit, elle passe la tête par la porte de la chambre et la retire rapidement. Elle ne revient pas de l’image qui s’est imposé à ces yeux. Si elle savait bien que Pierre était un homme et qu’il aimait lui-même les hommes, il était vierge. Vierge. Vierge des mains, des mots, du sexe, des fesses mais aussi des maux du sexe et de l’amour. Pur, il était pur. Malgré ses 20 ans, son innocence le poussait à avoir des idées bien tranchées sur ces choses là : partir quand on aime plus ou ne pas coucher si on n’aime pas. Certainement, songeait-elle au fait de le garder, pur, ainsi à ses côtés tout au long de sa vie.

Dans la fin de matinée du petit appartement, la voix rocailleuse du jeune homme s’est élevée dans le silence qui régnait comme dans une cathédrale. Prostrée contre le mur qui sépare la chambre du salon, elle ne veut pas répondre. Elle ne veut pas être là. Elle voudrait les laisser. Elle n’a rien vu mais ce qu’elle a vu est déjà trop pour elle. Cette voix est celle de Pierre. Elle savait qu’il avait le sommeil léger mais elle pensait qu’il était absent. Que faire ? Partir ? Fermer la porte à double tour sur ce qu’elle a vu et l’oublier ? Elle y a songé. Mais elle doit être là. Elle se doit de rentrer dans leur intimité. Même si cette incursion doit être brève, elle doit entrer.

Elle entre de l’alcôve, son alcôve. Cette chambre est la sienne, ce lit est le sien. Ce devait être son territoire. Elle ne veut poser aucun regard sur la situation en entrant et détourne les yeux. La voix de Pierre répète son prénom et un « viens » qui lui fait ouvrir les yeux sur les deux corps. Deux corps d’homme. Les draps cachent leur intimité. Dans le dos de son meilleur ami, un garçon dort sur ses deux oreilles. Sait-il ce qu’il est en train de se passer dans cette chambre ? Non, il dort. Les bras de l’inconnu entourent Pierre et sa tête est posée sur un coussin, le nez dans les cheveux du jeune homme. Leur deux corps n’occupent qu’une infime partie du lit et laissent largement la place pour une troisième personne. On dirait qu’ils ne forment plus qu’un. Un seul et même corps. Après le « viens », Pierre a tourné la tête vers l’inconnu pour vérifier qu’il est bien perdu dans son sommeil. Il répète alors son assaut et fait un geste de la main. Elle est encore immobile dans l’embrasure de la porte mais la referme rapidement pour ne pas que le soleil réveille les amants. Elle fait quelques pas vers la gauche et se baisse à genoux pour que cette conversation impromptue ne réveille pas le beau garçon.

« - Ça va ?
- Oui, je venais juste te voir. »

Elle pose ses bras sur le lit. Pierre lui tend une main qu’elle n’attrape pas, ces doigts ont juste le droit de caresser le dessus de sa main. Il lui dit, souriant :

« - Je suis un peu occupé mais ça me fait très plaisir.
- C’est qui ?
- Un garçon que j’ai rencontré il y a quelques temps. »

Elle ne veut rien laisser paraître à son meilleur ami et c’est le sourire aux lèvres, qu’elle lève la tête pour regarder plus attentivement l’inconnu.

« - Il est très mignon.
Silence.
- Pourquoi tu m’en as pas parlé ?
- Nicolas, ton départ, les cours et tout est allé très vite mais je comptais te téléphoner. »

L’inconnu remue un peu pendant que Pierre parle. Il est emprisonné par ses bras et veut rester son otage.

« - Viens, monte avec moi. »

Que veut-il ? Elle se demande bien ce qu’il veut. « Avec moi », c’est faux, c’est « avec nous » qu’il aurait fallu dire. Heureusement qu’il n’a pas utilisé ce « nous », car « nous », c’est elle et lui. Enfin, avant c’était eux.

Il fait un signe de la main sur la place inoccupée dans le lit. Son regard de jeune garçon déjà amoureux après une nuit passée dans les bras d’un inconnu ne lui laisse pas le choix. Il faut qu’elle vienne, il faut qu’elle partage un peu de ça avec lui. Elle monte dans lit. Elle et Pierre se font face alors que l’inconnu songe surement à la nuit qu’il vient de passer. Elle est habillée, ils sont tous les deux nus. Couché entre sa meilleure amie et son homme d’une nuit, pour lui, il n’y a pas de meilleure place.

Elle se décide à poser une main sur la joue de son meilleur ami. Il ferme les yeux et sourit. Ce sourire, elle ne l’avait jamais vu auparavant. Il riait, beaucoup. Il souriait peu. Elle refoule quelques sanglots. Pierre ouvre les yeux comme alerté par la peine que pouvait ressentir son âme-sœur. Il fronce les sourcils et pose, à son tour, une main sur sa joue. Elle lui dit :

« - Je ne veux pas te voler ce moment.
- Tu ne me vole rien. Tu le partages avec moi, on a toujours tout partagé. Tu devais être là. » Et ironisant, « avant, c’aurait été gênant mais là, c’est le bon moment ».

Elle ne refoule pas une larme qui vient mourir sur les doigts de Pierre et dit :

« - Tu m’aimes ?
- Oui, plus que de raison. »

Quelle bien étrange déclaration au milieu d’une intimité qui n’était pas la sienne. Il y avait eu des déclarations : mais elles étaient soit dictées par l’alcool soit par la pudeur donc avec trop d’ironie. Celle-ci avait un goût que n’avait aucune autre. La voilà dans son lit avec deux hommes complètement nus. Ils restent ainsi, silencieux et songeurs de la situation.

Mais elle doit y aller. Elle doit rejoindre Nicolas. Elle pose un baiser sur le front de Pierre, il en pose un là où la larme irrésistible avait coulé.

Lorsqu’elle s’est relevé, Pierre s’est rapproché de l’inconnu et a resserré ses bras sur lui tout en fermant les yeux. Elle a posé un regard sur le spectacle, bien sûre de ne jamais le revoir, comme lorsque l’on monte dans un train : certain de ce que l‘on quitte et inquiet de ce que l’on va trouver. Elle quitte le petit appartement. Elle songe à le fermer mais elle a déposé ses clés dans le vide-poche posé sur le petit meuble prêt de la porte. Pourquoi les a-t-elle posé ? Elle se le demande. Elle ne veut pas que ce soit un signe de rupture. Elle veut que le nid des amants soit aussi le sien. Son départ pour Nicolas a peut-être permis à Pierre de rencontrer un homme, un inconnu, même un homme d’un soir. Elle ne veut pas que ce soit l’homme de sa vie. Elle est la femme de sa vie, il ne peut pas avoir en plus un « homme de sa vie ». C’est égoïste, elle le sait. Elle est égoïste mais elle le fait pour elle. Elle le fait aussi pour lui. Parfois, les autres savent mieux ce qui est bon pour vous, elle était bien certaine de savoir ce qui était bon pour lui. C'était son âme-sœur tout de même.

Cela ressemblait tellement à leur chanson « Le tourbillon de la vie » de Jeanne Moreau : le départ, le retour, la connaissance, la reconnaissance. Cette chanson était le thème du film « Jules et Jim » de François Truffaut : une histoire d’amour triangulaire. Comme cela s’appliquait à la situation mais avec Pierre dans le rôle de Jeanne Moreau. Mais quel rôle peut-on lui donner, à elle ? Le mari ou l’amant ? Jules ou Jim ? Pourvu que leur fin ne soit pas aussi tragique que dans le film. Si Pierre n’a pas songé au parallèle flagrant, il en aurait été flatté : lui qui aimait tant Jeanne Moreau et bien sur Marguerite Duras. Il avait découvert le travail de l’une et la voix de l’autre dans le film « L’amant » de Jean-Jacques Annaud. Déçu du film, tout comme Marguerite Duras, il avait préféré le livre.

En remontant la rue qui l’amène chez Nicolas tout en fumant une cigarette qui a un goût différent des autres, elle se refuse à pleurer. Elle se refuse à penser à ce départ et aux conséquences qu’elle lui accorde. Elle n’a qu’un homme dans sa vie et c’est Pierre. C’est un amour impossible mais c’est un amour. Tellement de gens le cherche et elle l’a trouvé en lui. Certes, il est gay. Certes, il aime les hommes. Mais il l’aime aussi alors, c’est suffisant. Aimer sera bien suffisant pour ne pas souffrir. A ce moment précis, elle ressent une douleur qui semblerait être provoqué par une trahison. Lui a dû tellement souffrir quand elle est parti. Elle mesure enfin ce qu’il doit ressentir quand elle est dans les bras d’un autre garçon. Mais il n’est pas même pas dans les bras d’une femme, il se réfugie dans les bras d’un homme.

Elle a remonté la grande rue avec tant de rapidité que quelques minutes plus tard, elle est déjà chez Nicolas. Il l’attend patiemment avec toute la considération qu’elle mérite. Son visage est figé et elle ne répond pas aux questions de son amoureux. Assise sur le canapé et le regard dans le vide de son histoire avec Nicolas, elle lance simplement :

« - Je ne t’aime pas. »

Elle prend ces quelques affaires et quitte l’appartement du jeune orgueilleux. Il ne la retient pas car il sait qu’il ne peut rien contre ça. On ne peut jamais rien contre quelqu’un qui ne vous aime pas. On ne peut rien non plus contre les gens qui vous aime trop. C’est à ce moment qu’elle regrette vraiment d’avoir posé les clés dans le vide-poche.

Il est midi et la rue est pleine de voiture. Elle marche vite et sort son portable, tape quelque chose et l’approche de son oreille.

Dans l’alcôve, les deux amants dorment toujours en cuillère, Pierre dans les bras de l’inconnu, quand son portable sonne un retour fracassant à la réalité avec la voix d’une vieille chanteuse de jazz américaine. Il se lève pour chercher son portable caché sous un monceau de vêtement. A la sonnerie, il sait déjà qui c’est. C’est elle. Debout et nu au milieu de la chambre, il décroche et dit :

« - Estelle… Tu pleures ? Viens, ON t’attend. »
Facillire
Envoyé le :  7/3/2010 9:29
Plume de platine
Inscrit le: 30/1/2010
De:
Envois: 2762
Re: L'inconnu
Très troublant! Tu sonde les âmes que ça plaise ou non.

Nous voilà confronté à la dure réalité de notre acceptation de

l'autre,si proche et si différent.

Décidément les émotions humaines ne sont pas faciles à

comprendre.

Il fallait oser aborder le sujet,tu as su le faire avec toute la sensibilité

et la retenue nécessaire.

Moi,j'ai lu avec attention et j'ai aimé ton texte.

Merci



njb880
Envoyé le :  7/3/2010 10:37
Plume de soie
Inscrit le: 28/12/2009
De:
Envois: 102
Re: L'inconnu
Merci beaucoup. Je ne sais que dire face à tout ce que tu mes dis. Alors tout simplement et avec beaucoup de reconnaissance, merci à toi.
njb880
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