C’était comme un masque posé, ce masque déjà tant décrit mais toujours difficile au regard lorsqu’il revêt un visage connu il y a si peu encore.
C’est un masque posé qui creuse les traits, les rend arides, durs, qui pose d’emblée la distance : désormais la distance est posée que rien ne pourra combler comme si la mort en prenant emportait et c’est le vivant qui reste figé devant la dépouille en aller.
C’est la mort qui signifie au vivant aussi sa fin : il n’est pas convié à aller au-delà du masque terrible qui barre la route vers l’au-delà, vers cette convention du mort.
Jamais, jamais plus, entre le mort et le vivant ne clignera la moindre connivence, ni la moindre impatience.
La mort a conduit le mort, en laissant le vivant sans vie.
Que devient le vivant quand il apprend les traits du mort ?
Quels mots sont tus par le mort quand le vivant n’écoute déjà plus ?
Il faudra attendre le retour de la mort vers soi pour sentir, aussi, ses traits se creuser comme prend le visage vivant l’argile qui en séchant paralyse les traits.
Il n’y a pas de sens à tout cela, juste un seuil franchi, une limite atteinte et toujours cette incompréhension, ce besoin d’appréhender la dépouille arrivée à son terme.
Pourtant, tant j’aurais aimé m’approcher du visage défunt et, d’un éclair rétrospectif embrassé toute sa vie, livre ouvert comme des bras écartés, et puis par tant de souvenirs resucés, fondre en larmes enfin et décréter advenu l’instant tragique de la libération de la tutelle maternelle. Déglutir ses pleurs et ses inconséquences.
D’emblée, sentir que demain advenu le sera à tout jamais hors de cette présence, face à cette absence. Se dire que l‘inéluctable à l’œuvre m’assomme de sa masse recouvrante ; qu’un basculement advient.
Mais les chaînes étaient en moi.
Aussi les mots récités comme tressés en couronnes déposées comme solde de tout compte.
Mais que vient-il d’advenir dans ma vie ? J’ai pensé que mon tour venait de ressentir la mort avec son cortège de disparitions, qu’il ne fallait pas passer outre, que la mort saisit le vif,… et le chapelet des litanies se déroule à nouveau comme un cercle de feu tourné haut devant la vie puis la mort.
Mais que vient-il d’advenir dans ma vie ? J’ai pensé que j’avais devoir d’assumer ce face-à-face ( ?) avec la mort, cette épreuve de la vie comme l’est la nuit pour un enfant qui appréhende le sommeil du soleil . Qu’ il était de mon devoir de vivant de veiller à l’exécution des offices célébrés de la mort.
J’ai essayé encore ; j’ai essayé pourtant.
Mais je sentais bien qu’il ne s’ agissait pas de moi, que le corps dépouillé se trouvait seul face à une indécision non décidable.
Incompréhensible ; il n’y a rien à comprendre ni à attendre.
Un cœur arrêté n’est déjà plus le cœur qui s’arrête.
Pourtant la cérémonie ou plutôt le cérémonial est simple à suivre ; répondre par « oui » voire « non » puis « oui » et le passage circonstancié se fait : les vivants restent groupés entre eux du même côté pendant que de l’autre, la mort s’en va.

J'ai beaucoup apprécié tes réflexions on ne peut plus pertinentes sur nôtre perplexité et nôtre inquiétude face à la mort.
honore