La poésie est un art, une création.
Chaque poète y pose sa conviction.
S’il y a des règles établies de longue date,
Aucune autoritairement ne nous mandate.
Comme dans tous les arts, il y en a qui pensent
Que créer comme déjà fait est aberrance.
Il faut se démarquer de tout notre héritage,
Faire table rase des écrits d’un autre âge.
Et qu’importe que l’œuvre soit inaccessible,
Que les mots alignés soient incompréhensibles
Seul compte le nouveau, le jamais fait avant.
L’abscons devient noblesse et devient paravent.
Dans d’autres formes d’art, cette philosophie
Règne en maître et l’ego monte en hypertrophie.
Mozart, c’est nul, c’est dépassé, c’est décadent
Ont clamé des modernes en mots pétaradants.
Or, si l’on suit les œuvres qu’ils ont composées,
Beaucoup, au grand oubli, sont déjà préposées.
Non pas qu’elles soient d’une qualité douteuse :
Leur originalité les rend ennuyeuses.
Dans quarante ans à peine, elles auront vieilli
Dans cent ans Mozart sera très bien accueilli.
Il en est ainsi en art plastique, en peinture
Vouloir trop innover mène en pleine imposture.
Car malheureusement, chacun ne peut prétendre
Etre Rodin, Monet, Molière sans apprendre
A saisir l’homme dans sa plus intime essence,
Et des beautés de la nature avoir le sens.
Quand on a lu Phèdre, la passion racinienne,
La Bruyère et ses Caractères qui contiennent
Des portraits où l’on reconnaît notre entourage
On voit qu’ils ont décrit l’Homme de tous les âges.
En réponse à ceux qui prétendraient nous apprendre
Comme il faut écrire, et pour mieux me faire entendre,
J’ai simplement voulu montrer que moi aussi,
J’étais capable d’écrire comme eux. Réussi ?
Je n’en sais rien. Si je respecte leur recherche
Qui est plus difficile que ce que je cherche
J’entends, moi, être compris du plus grand nombre
A la clarté des mots, je ne veux pas faire ombre.
Et je n’ai pas honte à poser mes pas timides
Dans les empreintes des Géants qui m’intimident.
Je sais que jamais je n’atteindrai leur cheville
Je ne serai qu’humble sujet de la Famille.
Mais si je fais rêver, même pour un instant,
Si je fais oublier, un soir trop attristant,
A l’âme seule à la gaîté désinvestie,
J’aurai atteint mon but, en toute modestie.
Le 20 mars 2006
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Science sans conscience n'est que ruine de l'âme (Rabelais)