Les conversations du silence

Les mots sont des arrogants qui s’arrogent le monopole de l’esprit… Quand ils prennent le vêtement modeste de la poésie, ils s’ouvrent à l’indicible vérité de l’inexprimable qui cherche l’émotion dans l’image et les fleurs de style… Mais la vie, elle, ne s’enferme pas dans les discours et la dissertation… La vie ne jaillit pas de nos phrases qui le plus souvent la trahissent en voulant l’enfermer dans les prisons des idées… la vie se vit, se sent, se pressent. Elle se laisse apprivoiser dans les couleurs du peintre, dans les notes du musicien, dans la douceur d’une caresse, dans la quête d’un regard. La vie ne parle que dans le silence et souvent, elle nous dit mille choses différentes alors qu’on croit que son langage est unique…
Ecoutez une musique… Les musicologues en feront l’autopsie. Ils vous assommeront de leurs théories savantes mais ne vous traduiront jamais l’indicible émotion qui vous a conduit au bord des larmes. Et vous savez que cette musique s’est distillée dans vos veines en un bonheur qui n’appartient qu’à vous parce qu’elle s’est modelée à votre histoire intime et que vous l’avez entendue comme personne et comme jamais peut-être vous ne l’entendrez plus.
Regardez un tableau…les historiens de l’art vont le marier à des influences en disséquant les formes et les teintes… Mais vous, vous ne voulez rien savoir que l’extase que tout le vocabulaire du monde sera trop indigent pour en dire la profondeur. Vous y verrez ce que seul verra votre regard intérieur, vous y goûterez un bonheur si singulier que la seule chose que vous puissiez affirmer est encore dans l’indicible révélation d’un paradis dont les portes s’ouvrent en silence
Respirez une odeur… et ne dites pas que c’est un mélange de cardamone et de jasmin…Un parfum se respire, s’apprivoise, ou plutôt, c’est le parfum qui nous apprivoise et nous fait entrer dans l’ailleurs d’une ivresse où plus rien ne compte que l’impérieux désir de rester suspendu entre terre et ciel dans l’espace surnaturel d’un bonheur étrange. Sans doute, une page de vie peut s’inviter à cet instant accordé à votre bien être parce qu’autre fois, ailleurs, une comparable odeur avait tissé les voiles d’une émotion oubliée… oui, sans doute, mais l’instant fugace que vous offre cette fragrance ne sera jamais que votre moment de bonheur que vous ne partagerez avec personne.
Il n’y a guère que l’amour qui puisse s’offrir l’analogie de ces tempêtes d’émotions qui ont besoin de l’écrin du silence et de l’abandon pour nous métamorphoser et nous cloitrer dans des instants d’éternité loin du bavardage des mots prétentieux et menteurs mais néanmoins nécessaires… au moins pour nous approcher avec maladresse de l’infinie perfection du monde silencieux de l’art…


Ulysse

j'ai apprécié cette subtile analyse de l'art transcendé par le silence.
HONORE

Il est des émotions qui ne peuvent se traduire que par le silence.

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