LE BOLERO S'EST TU...
LE BOLERO S’EST TU…
Il est zéro heure trente minutes, ce mercredi 2 décembre en l’an 2009. Je viens à l’instant de refermer « La ritournelle de la faim » de J-M-G LE CLEZIO. On s’est quitté sur l’étrange boléro, ses mesures dans la démesure, ardentes, passionnées. Dans l’avant dernier chapitre, son roman m’avait entraîné à la suite de son personnage sur l’ancien emplacement du Vel d’hiv à la recherche des mots de l’horreur.
Le boléro s’est tu. Après deux ou trois soupirs en points d’orgues, le silence s’impose une fois encore. Le vide se discerne en son imperceptible tic tac, à moins que ce ne soit les battements de mon cœur.
Mais paupières se font lourdes mais je lutte contre le sommeil comme s’il s’agissait de la mort. C’est tous les jours comme ça, sans que j’en sois vraiment conscient. De fait, c’est bien la fin d’un jour, une maille infime de l’éternité qui en précède une autre pour peu que la vie veuille bien m’en tricoter une autre. Un jour de plus.
C’est fou, ces idées qui surgissent dans ce vide fourre- tout, se télescopent, s’absorbent l’une après l’autre, se dispersent, s’agrègent, s’embrouillent, avant qu’enfin l’une d’entre elles se fixe dans un reliquat de lucidité ; l’idée devient une pensée obsédante…
Le boléro s’est tu. Après deux ou trois soupirs en points d’orgues, le souvenir maintient que les hommes sont capables de tout. Le pire et le meilleur. D’une cruauté primaire ou de la plus subtile, dés lors qu’on banalise les exactions, les injustices, prenant prétexte de crises ou de raisons d’Etat ; alors on lance à la cantonade, plus jamais ça…Combien de fois déjà a-t-on osé lancer cette promesse sans lendemain quand on a vent des exterminations en cours de par la planète. N’y a-t-il pas matière à s’étrangler avec les mots du mensonge ? Ha, pardonnez-moi, c’est l’histoire ordinaire de l’humanité, on ne peut rien rn changer.
Le boléro s’est tu, la nuit crache sa honte, ses rats agrippés aux poubelles, ses cartons qui frissonnent, ses morts lentes…une ombre fuyante martèle l’asphalte, trébuche, sombre de l’autre côté de la ligne. Du côté des bonnes règles du jeu. La bonne conscience est devenue aveugle de naissance. Perfide. Je tremble, à cause du froid, bien sûr…Le courage ne me fait pas défaut.
Pourtant, je le vois venir le fantôme, l’être sans cœur et sans âme, remis au goût du jour, leader chevronné avec son visage de guets-apens dans une vie comme un traquenard. Là sur les trottoirs des villes, ou dans la solitude d’un hameau de campagne où les ombres palpitent, il exhorte à la solidarité et ricane en chemin. Est-ce un homme que je vois ?
N’est-ce qu’un cauchemar, l’effet dilatoire d’une émotion ?
Il est des faits, des commentaires, des témoignages qui vous révoltent : projetés sur l’autoroute du progrès, nous doutons parfois d’une œuvre civilisatrice au bénéfice de la condition humaine. Le temps lui accorde de survivre aux excès de vitesse. C’est bien peu !
Ha ! Ai-je omis de le préciser ? « La ritournelle de la faim » dont ce n’est pas le sujet m’a beaucoup plu, il est des mots qui parlent à l’âme et lui suggèrent de grandir.
Il est une heure du matin. Je lutte contre sommeil comme s’il s’agissait de la mort. Dans les bras de Morphée serai-je vainqueur ? J’ai tellement envie de vivre…vivre…encore et encore…
Pierre WATTEBLED- 2 décembre 2009
----------------