A une prostituée
Ah ! ce jour là , j’ai tant voyagé
Dans vos yeux, en carrosse,
Et goûté vos soupirs ombragés
A peine audibles, mais féroces.
A ce portillon, je suis allé
M’enivrer d’un parfum d’exil
Et suis devenu un naufragé
Sur l’écume de son nombril.
Une lune curieuse mais bienvenue
Blanchissait sa peau déjà d’albâtre,
Couchant mon ombre, sur son corps nu,
Aux lueurs chaudes de l’âtre.
Je l’entendais doucement gémir
Au rythme de son cœur qui palpitait,
Elle semblait fragile comme le plaisir,
Comme le jour qui se défait.
Dans ses yeux d’abîme
J’allais avec allégresse,
Comme on cherche les parfums des ruines
Qui n’ont plus d’adresse.
HĂ©las le matin est venu, morne,
Enrobé d’un chant des plus commun,
Comme une mer informe
Tourmente les marins.
Elle déposa l’illusion
Dans mon regard infortuné,
Et sur le guéridon
Sa main a pris un billet.
Je sens encore son pouls,
Il ressemble Ă tous mes hivers
Qu’un automne jaloux
A rendu amer.
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie. ( Ch. Baudelaire )