Plume d'or Inscrit le: 5/3/2008 De: Tunisie Envois: 1238 |
Élégie : la pauvreté Amis de cette douce oasis, Après une si longue absence qui, croyez-le, était inéluctable, je reviens parmi vous, dans cette douce oasis du cœur. J’ose espérer que j’aurai toujours ma place ici, en tant qu’ami, en tant que frère et poète. Ce doit être égoïste de ma part d’écrire un poème au lieu de commenter les vôtres, mais je vous promets de revenir ce soir et d’être toujours là . Mes amitiés et mes respects à vous tous. Vous m’avez tous manqués. ---------------------------------------------------------------------------------------------- Élégie : la pauvreté Inspirée de la première élégie de Tibulle Ô, je ne chanterai point l’or éphémère, La vaine richesse et ses illusions amères Et la guerre vengeresse et ses cruels attraits ! Qu’un autre que Tibulle aille braver les traits Et avec sa voile fouler les mers immenses ! Du sommeil qu’il n’implore point la clémence, Réveillé toutes les nuits par les clairons ennemis, Dans une couche molle et hasardeuse endormi ! Moi, mon humble terre me suffit. Qu’un feu modeste Eclaire mon foyer. Loin de la guerre funeste, Amant des doux champs, je veux demeurer ici. Dans l’ombre d’un arbre que le soir épaissit, Je me reposerai, ami de tout ce qui chante, De l’oiseau et de la lyre qui enchantent Et bercent le cœur de l’homme las du labeur. Le vin emplira ma coupe à la douce odeur Et versera l’oubli, ami de la paresse, Dans mon cœur, et dans mes bras la mollesse. À la blonde Cérès, une couronne d’épis Sera mon modeste présent. Et le répit Dont les guerriers ne jouissent point, dans mon humble tanière, Viendra appesantir mes rêveuses paupières, Quand la nuit bercera le propice univers. Quand la houle puissante chantera de longs vers, Je m’endormirai dans ma paisible couche, Seul comme un oiseau, à l’abri du monde farouche ! Ô, je suis las de la mer et de ses hasards, Des éternels voyages, des éternels départs, D’être le captif d’une indomptable voile Qui erre sur les ondes et sous les étoiles ! Ô, Messala, partez sans moi. Dans ces doux champs, Tibulle demeurera en écoutant les chants De l’immense et de la clémente nature, Loin de votre guerre et de ses tortures ! Ô, Messala, sans moi, partez, soyez vainqueur ! Je ne puis laisser seule Délie chère à mon cœur ! Votre or est moins précieux qu’une de ses larmes Qu’elle versera quand je partirai. Ses alarmes Sont un lourd fardeau que je ne puis supporter. Ô, son innocence est égale à sa beauté, Captif de ses fers comme vos ennemis des vôtres, Je ne puis partir. Je ne puis souffrir qu’un autre Chante en mon absence ses charmes si divins. Ô, ma douce Délie ! Tous les lauriers sont vains ! Car moi, en voyant tes yeux charmants qui pleurent, Je ne puis partir et il faut que je demeure ! Rome pensera que lâche, Tibulle craint les fers, Mais je crains les tiens, ô, déesse que je sers ! Mille balafres attestent ma bravoure, ô, Rome ! Mais j’aime Délie, mais je ne suis qu’un homme. Rome ! Marche seule sur les dépouilles de tes ennemis Et en rêvant d’elle, laisse-moi, endormi, Poète épris, songer à ses grâces rebelles, A ma Délie qui est innocente et belle, À ses yeux qui sont si noirs et pourtant si doux ! Ô, Délie ! Quand la mort, dans son courroux, Viendra me prendre dans ses bras et dans ses ailes, Que ta main blanche presse ma main avec zèle Et que ta bouche me dise : « je t’aime, mon amant ! » Je sourirai alors à tes yeux alarmants Et mon amour raillera la mort souveraine. D’Hadès je verrai les demeures souterraines, Mais je n’aurai point peur. Amant fidèle et pieux, Mes chants berceront ce puissant et sombre dieu Et les sons de ma lyre endormiront Cerbère. Mais toi, Délie, ne pleure point. Dans ses serres La Mort n’emporte point le poète immortel. Les vers sont des chants et la lyre est un autel. Le poète s’envolera dans le firmament vaste, Loin des édens, loin des enfers, beau et chaste Comme dans l’aurore radieuse l’oiseau blanc Qui, effrayé par le vent, remue en tremblant Son aile délicate et doucement murmure Au ciel, au bois et à la mer, ses hymnes pures ! Délie, avant que la vieillesse au front chenu Ne viendra, adorons la folâtre Vénus Qui aux feux des amants est toujours propice. De la richesse n’aimons point les vains artifices ; L’amour nous suffit. De notre flamme le flambeau Reluira dans les ombres, si radieux et si beau. Amoureux, devant la mer aux calmes ondes, Pauvres mais épris, seuls dans la nuit profonde, Nous nous embrasserons doucement. L’univers Pour bénir Tibulle et Délie chantera des vers. Quand le radieux Soleil viendra nous surprendre Avec ses rayons, nous lui dirons d’attendre Et de ne pas montrer ses rayons radieux Pour ne point effrayer deux amants dans ses lieux ; Quand l’Aurore viendra avec ses coursiers roses Éclairer les hommes et embellir les choses, Nous lui dirons : « avec tes rênes retiens un peu Tes éclairs rapides, et demeure dans les cieux ! » Quand nous serons bien vieux, ta tête paresseuse Sur mon cœur amoureux se reposera, heureuse ; Devant le feu qui flambe, quand l’hiver blanchira Tout l’univers, sur mon cœur tu t’endormiras, Je te raconterai le récit de ma flamme, Et en fermant mes yeux près de toi, douce femme, Sourd à l’univers et à ses bruits furieux, Je mourrai, calme et le sourire encore radieux.
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