Moult navires
Perdent l'ancre
Et chavirent
Dans l'encre
Le tangage enivre
Le roulis énerve
Mon navire
Chavire...
Mais n'est pas ivre
Il veut vivre
Il dévisage les vagues
Et de vagues visages
Contre les courants
Acerbes et écoeurants
Qui désarment et déboussolent
Mon navire est sans armes
Aspire aux sols
Le voyage devient ardu
Le rivage parait ambigu
L'encre devient houleuse et floue
Mon navire devine la trame des loups
Le poète guide le gouvernail
Sans crainte et sans faille
Malgré le zigzag des goguenards
Qui ébranlent la sérénité de son art
L'aboutissement et les arrivages
Aux bords des rivages
Environnés d'étourdissement
Et menacés par les naufrages
Les navires ne sont jamais les mêmes
L'ancre n'est jamais la même
L'encre est pareille
Comme unique appareil
Le navire réaliste
Note et remplit sa liste
Le navire romantique
Cajole la navigation mélancolique
Le navire surréaliste
Traverse et insiste
Sans gouvernail et sans liste
Le navire des parnasses
Titube mais pèche la beauté sans nasse
Mon navire perd son ancre
Au fond de l'encre
L'agitation et l'angoisse augmentent
Le péril descend et remonte
Mais mon navire
N'est point ivre
Il prend peu à peu conscience
Il comprend peu ou prou
Le danger des océans
Il veut vivre
Pour poursuivre
Le mentor de la conscience
Il part en quête
Des conquêtes
De cette mer de toujours
De ces longs parcours
Dont l'eau agitée et amère
Entre le flux et le reflux des flots
Mon navire bouge et s'éveille
Frotte son corps et ouvre l'oeil
Et accepte malgré lui son lot
Entre le va et vient des vagues
Mon navire sursaute, distingue
Abandonne les chemins vagues
Entre les roulis et les tangages
Mon navire s'engage et choisit son langage
Entre la descente et la remontée des courants
Mon navire lavera son tréfonds
Et traversera l'océan de l'encre à fond
Entre l'accroissement des naufrages
Et le mouvement des clapotages
Les matelots exhalent leur rage
Et se sauvent à la nage...
----------------