CET ENFANT DANS L’IMMENSITE.
Je fus un champ dans l’immensité des plaines de flandres. De collines en vallons, je courbais l’échine sous les assauts du vent cornant d’étranges plaintes, jusqu’au plus lointain rivage de la côte d’opale. Une poignée de sable, un bateau de papier, l’imitation du cri de la mouette suffisaient à enchanter mon rêve : je partais en voyage. Je fus un enfant dans l’immensité.
Je fus un ciel d’azur pour le ballet des alouettes virevoltantes et sautillantes, l’évidence limpide dans le regard de l’enfance, la récompense anticipée d’une croyance sans faille : l’amour, la confiance vivant l’élan naturel de l’innocence comme s’ils n’eussent jamais été à apprendre. Je fus cet enfant dans l’immense pensée qui s’enroule comme un collier de larmes aux tombes du Sacrifice.
Je fus l’interminable méandre et son clapotis naufrageant l’ultime brouillard d’une longue soumission. Au gré des écluses, j’imaginais le temps qu’il faut pour écouler le temps : j’en étais le captif embarqué ; corps et âme, amarrés au sillage des lourdes péniches qui s’en allaient voguer ailleurs. Je fus cet enfant naviguant sur les voies sans fin du devenir.
Je fus la plaine et son chant cornant d’étranges plaintes. J’offrais mon ventre inhumain ; ici et là , les hommes le fendaient de leur soc, le morcelaient en tous sens ; je ne m’appartenais plus ; vouée à la destruction, je survivais de mes cendres, et du sang des folies meurtrières. Je brillais tel le premier épi d’une moisson dans les yeux d’un enfant de la Terre. Je fus cet éclat…cet enfant dans l’immensité.
Pierre WATTEBLED- le 11 mai 2009
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