Plume de soie Inscrit le: 24/3/2009 De: Rezé tout près de Nantes Envois: 103 |
Madame cocotte .
Madame cocotte… Ils étaient une dizaine, tombés d’un camion aux pleins milieux d’un carrefour .Seuls six survécurent à la circulation, ramassés par une bonne âme et déposés chez moi à la veille des vacances. Six petites boules jaunes paille, tendre duvet et doux pépiements, qui ne demandaient qu’à vivre leur vie de poussin. Puisque nous partions à la campagne passer l’été, les six petites boules firent le voyage dans une boite en carton, au grand ravissement des enfants, qui rêvaient déjà de leur construire une cabane assortie d’un jardinet, tout près de la maison. Dès le deuxième jour, un du poussin manquait à l’appel, un chat ou une buse avait dû s’en faire un festin, car malgré notre vigilance, les poussins parvenaient à se sauver de leur enclos. Très vite, un autre poussin disparut à son tour, mais celui là , malencontreusement écrasé par la camionnette du livreur de pain. Pour nourrir ces petits becs, les enfants écrasaient du blé à l’aide d’un vieux moulin à café, et pilaient un peu de maïs entre deux pierres, histoire de varier un peu le menu . Les poussins devenaient très familiers, et se cantonnaient de moins en moins souvent dans leur enclos. Dès qu’ils entendaient les enfants rentrer de la baignade au bord de Loire, les quatre rescapés accouraient, pour profiter un peu des miettes du goûter, ou pour inciter les enfants à la recherche de vers de terre… Cela devait faire près de trois semaines que nous étions en villégiature, quand un soir, au moment d’enfermer les poulets pour la nuit, je constatais qu’il en manquait un ! Tout le monde se mobilisa pour retrouver l’absent, et finalement, nous le trouvâmes caché dans le fond du garage. La pauvre bête avait du croiser la route d’un petit carnassier, car elle portait une large plaie sur le cou, partant de la racine du bec, pour s’arrêter aux milieux du cou. La plaie était profonde, et la langue ressortait, desséchée comme cuir, par cette blessure ! J’entrepris de soigner ce poulet, qui il faut bien le dire ne mettait pas de bonne volonté à se laisser recoudre le gosier ! La première réparation, effectuée à l’aide d’une aiguille et de fil de couturière, ne fut pas convaincante, car la langue durcie ressortait sans cesse entre deux points de couture ! Après réflexion, je confectionnais un pansement humide autour du cou, en vue de redonner souplesse à cette langue, puis je l’amarrais par un fil dans le bec de l’oiseau qui continuait de montrer sa désapprobation. Enfin je recommençais l’opération de couture en effectuant cette fois des points plus rapprochés ! Le miracle eut lieu, et après bien des soins et des nourrissages à la béquée, notre poulet reprit vigueur et force et devint aussi costaud que ses sœurs ! Car en grandissant, il fut évident que nous avions quatre poulettes, sans doute de race à viande car elles étaient énormes ! Notre rescapée me gardait un attachement peu commun pour un gallinacé . Lorsque les vacances finies, nous sommes rentrés en ville, confiant notre couvée à un poulailler de la famille, l’animal reconnaissait ma voiture avant même que j’entre dans la cour, et venait au devant de moi, à grand renfort de battements d’ailes et de caquetages sonores, tandis que ses trois sœurs me témoignaient la plus parfaite indifférence ! Mal leur en prit car elles finirent toutes trois en bouillon savoureux, tandis que Madame cocotte vécut en tenancière de poulailler durant de longues années !
nola .
|