C’était hier
Alors qu’à peine adolescent je vivais dans ce château,
Je rêvais sur le balcon d’une étreinte lointaine,
De ces jeux furtifs cherchant leur berceau,
Sortis d’une aube superbement incertaine.
Je n’en savais pas leur goût ni leur parfum,
Je ne savais que ce désir innocent
Caché là , en moi, crispant mes mains,
Sondant son beau regard, confusément.
Elle avait peut-être trente ans, je ne sais plus,
Muse de ces lieux où les jours trop courts
Jetaient l’absence sur sa peau nue
Que j’avais entrevue au hasard d’un détour.
Dans l’éclat du jour elle faisait, là , sa toilette
A l’étage de la tour du château
Et d’une porte habilement entrouverte,
Pour la première fois, je vis le jour sans fardeau.
Les pieds dans une bassine d’un jaune safran
Elle offrait le plus beau des spectacles,
Ses mains couraient le long de son corps tout blanc
Et le sol de marbre se remplissait de flaques.
Ses reins cambrés qu’elle offrait à mon regard
Ressemblaient étonnamment à ce que j’imaginais,
Ses seins fiers, dans le geste d’un hasard,
Aimantaient mes pensées à mes regrets
De ne pouvoir pousser la porte doucement
Et m’enivrer de son corps, de ses promesses,
Donner ce baiser farouche, cernant
Les choses de l’amour qui doucement se tressent.
Je gardais longtemps en mémoire son corps de femme,
Dans mes jour fades, mes nuits solitaires
Peuplées d’étranges douleurs qui s’enflamment
Dans ces désirs obscurs que l’on ne peut extraire.
Vous étiez belle comme un lys à la rosée
Quand, sur votre corps , mon regard jetait ces interdits,
M’avez vous entendu soupirer
Là , derrière la porte, vous ne me l’avez jamais dit.
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie. ( Ch. Baudelaire )