Un jour peut-être,
Demain, à l’ombre de nos incertitudes
Quand le temps aura fait sa besogne,
Que les hommes sous toute latitude,
N’auront plus ces regards borgnes,
Que ces ventres où dorment ces hasards
N’enfanteront plus le glaive mêlé de sang,
Dans l’écharpe d’un infini brouillard
Sur le front timide des enfants,
Quand les visages crispés, de mort violente,
N’auront plus de miroir pour se rappeler
Ces temps gémissants de l’épouvante,
Ces corps déchirés, éparpillés,
Quand nos concessions funèbres
Mille fois renouvelées d’os et de chair,
Ne se rappelleront plus ces ténèbres,
Ces mains lourdes, avides de guerre,
Et que, languissante, la nature
Sortie d’une étrange tragédie
Réinventera ces tendres ramures,
Reflets d’un vieux paradis,
Je pourrai continuer de mourir,
Sous mon linceul épais de patience,
Et deviner ce que fut ton sourire,
Oh ! terre, quand vint ta naissance.
Dieu pourra enfin regarder ailleurs,
S’endormir sur l’écrin du temps
Où plus rien ne crie, ni pleure,
Sur le front clair des enfants,
Et de vieux ciels hâtés
Atteindront de profonds gouffres,
Sans promesse de fécondité,
Au goût amer du souffre.
De pâles cadavres se rappelleront
Peut-être de leurs douleurs empruntées,
D’une longue agonie, sous de lourds plafonds,
De ces temps tout brouillés.
Ils auront fini d’écouter ces silences
Inconnus, qui figent le temps.
Au bout d’une longue errance,
L’homme, peut-être, ne versera plus de sang.
----------------
Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie. ( Ch. Baudelaire )