Entre cinq et six ans
Je ne sais pas à la suite de cette de quoi, il fallut m’opérer des amygdales, mais ce souvenir restera gravé en ma mémoire jusqu’à la fin de mes jours.
Quand j’arrivais dans la salle d’opérations, on me fit asseoir sur un fauteuil type chaise électrique américaine, sur les accoudoirs deux lanières de cuir bloquent les avant bras, le docteur demande d’ouvrir la bouche, et paf on est coincé avec un truc qui la maintien ouverte après ça le chirurgien peut s’en donner à cœur joie, je n’entendais que craquements d’os et le glouglou du sang qui giclait dans ma gorge, aussi une douleur affreuse.
Quand ce fut terminé, on me remit dans le lit avec un drap sous la tête qui devait absorber le sang qui coulerait de ma bouche ce qui se fit abondamment car le linge était devenu une loque sanguinolente quelques heures après …
Le docteur avait dit à ma mère que j’avais été très sage, que je n’avais dit mot, je me suis demandé comment étaient ceux qui hurlaient car je ne me souviens pas de m’être gêné lorsque c’était possible au travers du bâillon, cela pour vous prouver que les docteurs ne disent pas toujours la vérité, ou veulent -ils nous flatter?

Une agréable lecture, merci pour ce partage.
Je ne peux m'empêcher de penser à Michel Leiris dans son autobiographie "L'âge d'homme": il raconte le souvenir de sa "gorge coupée:
"Âgé de cinq ou six ans, je fus victime d'une agression. Je veux dire que je subis dans la gorge une opération qui consista à m’enlever des végétations(l) ; l'intervention eut lieu d'une manière très brutale, sans que je fusse anesthésié. Mes parents avaient d'abord commis la faute de m'emmener chez le chirurgien sans me dire où ils me conduisaient. Si mes souvenirs sont justes, je m'imaginais que nous allions au cirque ; j'étais donc très loin de prévoir le tour sinistre que me réservaient le vieux médecin de la famille, qui assistait le chirurgien, et ce dernier lui-même. Cela se déroula, point pour point, ainsi qu'un coup monté et j'eus le sentiment qu'on m'avait attiré dans un abominable guet-apens. Voici comment les choses se passèrent: laissant mes parents clans le salon d'attente, le vieux médecin m'amena jusqu'au chirurgien, qui se tenait dans une autre pièce en grande barbe noire et blouse blanche (telle est, du moins, l'image d'ogre que j'en ai gardée); j'aperçus des instruments tranchants et, sans doute, eus je l'air effrayé car, me prenant sur ses genoux, le vieux médecin dit pour me rassurer: « Viens, mon petit coco ! On va jouer à faire la cuisine. » À partir de ce moment je ne me souviens de rien, sinon de l'attaque soudaine du chirurgien qui plongea un outil dans ma gorge, de la douleur que je ressentis et du cri de bête qu'on éventre que je poussai. Ma mère, qui m'entendit d'à côté, fut effarée.
Dans le Fiacre qui nous ramena je ne dis pas un mot, le choc avait été si violent que pendant vingt quatre heures il fut impossible de m'arracher une parole; ma mère, complètement désorientée, se demandait si je n'étais pas devenu muet. Tout ce que je me rappelle de la période qui suivit immédiatement l'opération, c'est le retour en fiacre, les vaines tentatives de mes parents pour me faire parler puis, à la maison: ma mère me tenant dans ses bras devant la cheminée du salon, les sorbets qu'on me faisait avaler, le sang qu'à diverses reprises je régurgitai et qui se confondait pour moi avec la couleur fraise, des sorbets.
Ce souvenir est, je crois, le plus pénible de mes souvenirs d'enfance. Non seulement je ne comprenais pas que l'on m'eût fait si mal, mais j'avais la notion d'une duperie, d'un piège, d'une perfidie atroce de la part des adultes, qui ne m'avaient amadoué que pour se livrer sur ma personne à la plus sauvage agression. Toute ma représentation de la vie en est restée marquée : le monde, plein de chausse – trappes(2), n'est qu'une vaste prison ou salle de chirurgie; je ne suis sur terre que pour devenir chair à médecins, chair à canons, chair à cercueil ; comme la promesse fallacieuse(3) de m'emmener au cirque ou de jouer à faire la cuisine, tout ce qui peut m'arriver d'agréable en attendant n'est qu'un leurre, une façon de me dorer la pilule pour me conduire plus sûrement à l'abattoir où, tôt ou tard, je dois être mené."
Michel Leiris, L'Âge d'homme (Gallimard, 1939).

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Que de souvenirs !!! Je me rappelle celà il y à encore une vingtaine d'années de ces pratiques barbares .J'ai assisté un ORL pendant mon affectation au bloc opératoire .Et pire pour les adultes 2 anesthésies locales ( piqure )dans chaque amygdale ensuite le patient reprenait son souffle et avec un instrument qui étranglait l'amygdale et coupé net cette petite chose ....Ensuite le malade repartait avec 2 pinces de Kocher dans la bouche pour éviter une hémorragie .Mais le temps là est vraiment aboli .EVY OUILLE OUILLE

Voila un souvenir que je ne puis partager avec toi puisque je n'ai jamais été opéré des amygdales.Mais je partage rétrospectivement ta douleur.
HONORE