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     LA MAMIE DE BELCASTEL
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Expéditeur Conversation
Jackinou
Envoyé le :  24/2/2009 11:25
Plume de satin
Inscrit le: 11/2/2009
De: DrĂ´me - France
Envois: 12
LA MAMIE DE BELCASTEL
LA MAMIE DE BELCASTEL

Louise est une légende à Belcastel, petit village de l’Aveyron d’environ deux cent cinquante âmes. A 94 ans elle se souvient de toutes les générations. Des maires, des curés, des bouchers, des boulangers, elle en a vu défiler. Elle aurait pu écrire des dizaines d’ouvrages sur Belcastel qu’elle connaît depuis sa naissance. Louise a même eu le privilège de remplacer Madame Bon comme institutrice lors de la dernière guerre. Un souvenir inoubliable de cinq années, mais hélas madame Bon ne devait jamais revenir, comme ces millions d’innocents victimes de la folie meurtrière allemande. La Seconde Guerre mondiale constitue le conflit armé le plus vaste que l’humanité ait connu. En période estivale, ne comptez pas sur Louise pour vous faire visiter Belcastel, car depuis qu’il a été classé parmi les plus beaux villages de France, des touristes affluent de toute l’Europe. Elle déteste cet engouement touristique et ne mâche pas ses mots : «c’est notre village ! Ils viennent nous piquer nos pierres ! On ne va pas les emmerdez chez eux… » Louise préfère s’isoler dans sa vieille ferme aux pierres inégalées, perdue dans la montagne. Oh ! Evidemment ce n’est pas le château de Belcastel, dont il avait été dit dans les années 1960 que vouloir le restaurer équivaudrait à vouloir vider la mer à la petite cuiller. Louise a toujours vécu seule depuis la mort de ses parents. Malgré sa gentillesse, son humour, son dévouement, Louise ne faisait confiance à personne et même pas à monsieur le Maire. Depuis plus de 30 ans aucun habitant du village n’a passé la porte de sa bâtisse. Elle se déplace chez le médecin, récupère le calendrier des pompiers chez l’épicier… Malgré cela, Louise est estimée de tous, elle perçoit une maigre retraite et comme le raconte Lucienne, la commère du village, elle ne fait pas de folie vestimentaire, elle est toujours avec sa blouse et même dimanche et jours de fête… Parfois on lui donne des fruits, des légumes, un poulet ou une bonne soupe et Louise ne refuse jamais…
Nous sommes le 25 décembre, malgré le froid et la neige, Louise attend son tour au camion de l’épicier qui depuis des années ravitaille les plus isolés…
- Bonjour Pierrot et joyeux Noël
- Merci Louise à vous aussi, alors il est passé le papa Noël…
- Ecoute Pierrot, c’est un Noël exceptionnel, je me suis fait plaisir, pour une fois j’ai pensé à moi…
- Génial Mamy de pensez à vous… Mais que vous a-t-il apporté de beau ?
- Un salon cuir avec fauteuil de relaxation, une cuisine incorporée, une chambre à coucher style Louis XIV…
- Waouh ! C’est une blague Mamy ?
- Attends Pierrot ce n’est pas fini, un écran TV géant, une console WII, un ordinateur portable , du parfum, de belles robes etc.…
- Je ne vous crois pas Mamy ou alors vous avez gagné au loto !
- Moi gagner au loto Pierrot ? Je ne dépense pas ma petite retraite pour l’état…
- Mais… à 94 ans ! un ordinateur ! une console WII !!
- Peu importe Pierrot, je n’ai rien volé, ni emprunté, mais garde le secret, tu connais Lucienne si elle l’apprend ça fera le tour de l’Aveyron…
- Promis Mamy… Mais… à votre age ?
- Un jour je t’inviterai Pierrot, tu verras que je ne suis pas une menteuse.
- Je sais Mamy… Mais je ne pensais pas que vous étiez si riche.
Evidemment Pierrot ne pouvait pas garder le secret et en quelques heures celui-ci fit le tour du village à la vitesse d’un TGV. Au café du château les vieux grognaient de ne pas l’avoir épousée. La charcutière, boulangère, épicière regrettaient les petits cadeaux faits depuis des années à Louise. Même monsieur le curé dénonçait l’hypocrisie de Louise, et dire qu’elle venait à la messe tous les dimanches et sans jamais mettre une seule offrande marmonnait-il !
Louise, la mamie de Belcastel était devenue l’étrangère du village. Plus personne ne lui donnait un fruit, un légume, un morceau de pain. L’épicier ne lui faisait plus crédit. Alors Louise en souffrait, en souffrait terriblement. N’ayant presque plus rien à manger elle maigrissait mais personne ne s’en souciait…
Puis un dimanche elle est retournée à l’église, la messe avait commencé depuis un bon quart d’heure mais elle s’en foutait… Lorsque la vieille porte a grincé, le curé et les paroissiens se sont retournés pour la regarder s’avancer et même la défigurer, la mépriser... Louise très malade, avait beaucoup de peine à marcher, elle s’appuyait à chaque rangée de chaises pour arriver enfin prêt de l’autel, dans un silence d’enterrement.
Elle se mit à genoux à même le sol et s’adressa à tous.
Vous, qui chaque dimanche venez prier Dieu, je vous ai tous connus et aimés comme mes enfants, vous m’avez aidée pour survivre et je vous en suis reconnaissante. Demain, je vais mourir dans la dignité, pas de messe, pas de fleur, pas de condoléance… Non, depuis quelques semaines je suis une étrangère… Curé ou maire, épicier ou boulanger et même toi charogne de Lucienne, vous pourrez après mon départ vers les anges, dévaliser ma ferme et tout emporter mais sachez… oui sachez bien que vous ne trouverez ni salon cuir, ni télé, ni ordinateur, ni cuisine incorporé… Non ! Même toi Pierrot tu l’as cru comme un fou et tu n’as pu t’empêcher de garder le secret ! Alors voilà la vérité… Depuis plus de trente ans à Noël mes chaussures sont rangés au pied du vieux sapin, le Père Noël n’est jamais passé, non jamais Pierrot… Alors cette année je me suis dit : « Louise, c’est ton dernier Noël, fais toi plaisir »… Je suis monté dans le grenier et j’ai retrouvé le catalogue de la Redoute que m’avait donné le facteur cet été… Je me suis assise prêt de la cheminée, les ciseaux à la main et j’ai découpé, un ordinateur, une télé, un canapé, des robes, des bijoux et j’en passe… Puis j’ai soigneusement tout emballé dans une boite à chaussures et je l’ai déposé au pied du sapin avant d’aller me coucher.
Tu vois Pierrot, de nos jours les amis sont virtuels, les cartes, les bisous sont virtuels. J’ai voulu être de votre génération et m’offrir le plus beau des Noëls virtuels…
Ainsi va la vie, la richesse est une maladie qui rend jalouse… et la jalousie est une maladie incurable. Adieu à vous tous, l’heure est venue pour moi de découvrir un autre monde, un monde sans peur, sans guerre, sans massacre, sans jalousie, oui un monde où tout le monde est égaux...
Personne n’a osé dire un mot, un simple mot d’excuse qui aurait pu réconforter Louise. Pierrot pleurait, Lucienne pleurait, le maire, le boulanger et le curé pleuraient. La mamie de Belcastel regagnait lentement la sortie, la tête haute, lorsqu’un petit garçon pas plus haut que trois pommes s’avança et lui dit : « Mamie ! Reste encore un peu, je sais je n’avais rien pour te donner, je ne suis pas du village, je le visitais » et Louise s’effondra dans ses bras.

Jackinou
Escandihado
Envoyé le :  25/2/2009 13:03
Plume de platine
Inscrit le: 21/11/2008
De:
Envois: 2698
Re: LA MAMIE DE BELCASTEL
Une magnifique et Ă©mouvante lecture !
Merci pour ce partage !
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