« Tragediante, comediante ! »
*Funeste thébaïde que notre vie de saints !
Oh sire permettez que je vive un demain,
Afin que de nos joies ressuscite le sens
Et que cette rencontre mette fin aux offenses.
-Sachez oh Madame que nul règne n’égale
Votre sein fulgurant et votre teint d’opale…
Votre regard a touché le tréfonds de mon âme
Et nulle fleur exquise plus que vous ne me pâme !
*Par quel hasard Seigneur fulgurance naquit
Entre nos destinées d’étrangeté mêlées ?
Jamais soleil de feu ne rencontre en effet
Lune ronde au point de lui donner sa vie…
-Je ne sais Madame que trembler craindre et rougir !
Moi que l’on nomme indomptable, fier guerrier
Autrefois réputé pour hurler et rugir,
Je ne veux que de joie me jeter à vos pieds.
*Levez-vous mon bon roi je ne saurais souffrir
Vos rougissants tourments car déjà m’abandonne
A votre tendre innocence : je serai Madonne
Et protègerai chasteté telle martyre.
-Non Madame il vous faudra céder et voler
Au secours de mes sens par vos mots aiguisés…
Un siècle nous sépare mais la vie nous unit !
Vous serez ma Promise, même si d’une nuit.
*Et tous les courtisans et le peuple et les lois ?
Que dira la rumeur devant tant d’indécence ?
Ai-je le droit d’aimer, d’être en incandescence ?
Et puis que deviendrai-je au départ de mon roi ?
-Sachez ma bien aimée que l’amour n’a pas d’âge
Et que le contredire serait le vrai outrage !
Les mots nous ont trouvés retrouvons la parole
Afin que de nos vies devienne parabole.
*Sire qu’il en soit fait selon votre vouloir :
Je viens à vous en vierge auréolée d’espoir.
Je serai votre Phèdre, votre Chimène en feu,
Vous serez mon Rodrigue !...Et nous serons heureux !
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"Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue:
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler:
Je sentis tout mon corps et transir et brûler."
Racine, "Phèdre"...