Au petit jour, le vieux se meurt.
C'est la fin des débats,
L'aboutissement du combat.
Au petit jour, le vieux se meurt.
C'est une auxiliaire de vie,
Venue faire son lit,
Qui cueillit, croquant les pissenlits,
Le défraichi sans vie.
Il était recroquevillé,
Tournant le dos, tout habillé,
Tenant à la main un billet
Un chiffon d'écolier.
La quadragénaire le lut :
C'est le ton résolu
Que feu le vieil hurluberlu
Y pleurait l'absolu.
" Tout avait pourtant commencé
Comme un rêve insensé
Dans un paradis romancé
Où le bonheur dansait.
J'avais fleuri mon existence
D'une corne d'aisance
Quand à l'ombre de ma jouissance
Ont germé deux naissances.
J'ai arrosé de mes efforts
Les fruits du réconfort
Pour tricoter tout le confort
Dû à mes anaphores.
J'ai traqué tous les parasites
Qui voulaient que s'invite
L'infortune en mon humble gîte
A m'en péter l'orbite.
J'ai donné tout ce que j'avais.
Plus que je ne pouvais,
Pour voir mes oisillons couvés,
Aimés et préservés.
Quand le temps me marqua le front,
Me ridant le plafond,
On a semé dans mes bas-fonds
La graine d'un affront.
Il m'aurait fallu m'entêter,
Ecouter ma fierté,
Ne pas les laisser saboter
Ma chère liberté.
Loin de cette immonde bâtisse,
Loin de leur bel hospice,
Je n'aurais pas bu le calice
Que le destin m'esquisse.
Je n'aurais pas fait tant d'arthrite,
Loin de ces carmélites ;
Je n'aurais pas faiblit si vite,
Loin de leurs acolytes.
L'œil noir de la mélancolie
A nourri ma folie
Et l'heure de mon ordalie
S'annonçait accomplie.
Ô, toi, l'enfant que j'ai nourri,
Toi que j'ai tant chéri,
Ton ingratitude m'a pourri
Et le cœur et l'esprit.
Tous mes espoirs ont rendu l'âme
Quand votre seul sésame
Fut l'ordre que vous me dictames
De souffler sur ma flamme.
Je suis décédé ce jour là ,
Quand, en me menant là ,
Vous avez étouffé l'éclat
Qui brillait jusque là .
Je suis mort au moment précis
Où mes yeux indécis
Ont vu la pièce que voici,
Ce tombeau en sursis.
Ça ne s'est pas amélioré
Dans ce caveau doré,
Seule l'absence décorait
Ces murs décolorés.
Mes forces m'ont abandonné.
Mon cœur me fredonnait
Que dans ce jardin cloisonné
J'allais bientôt faner.
Je voulais simplement vous dire
Que si je me retire,
Si je délaisse le navire,
C'est faute d'un sourire ...
Celui que je vous espérais,
Celui qui m'inspirait
Quand dans vos rêves calfeutrés
Je savourais vos traits."
Au petit jour, le vieux est mort,
Souriant son accord,
Heureux qu'enfin vienne le sort
Lui ôter ses remords ...