Je te regarde, là ,
Sur ton lit d'hôpital
Et tu me regardes aussi, sans ciller,
Comme font les enfants
Qu'y a-t-il derrière ce regard interminable ?
Que vois-tu vraiment ?
Et quand tes yeux me quittent,
Je t'interroge
Où es-tu dis-moi,
Où sont ton esprit, ton âme ?
Toi qui ne penses plus…
Mais ai-je le droit de dire que tu ne penses plus ?
A quoi se réduit ton humanité,
Comment me représenter ta souffrance ?
Ton bras cassé qui vient d'être opéré,
Ton cou serré par la sangle qui immobilise ce bras,
Te font-ils aussi mal que je me l'imagine ?
Ces neurones détruits qui anéantissent ton esprit
Peut-être aussi ne drainent-ils plus la douleur
Jusqu'Ã ton cerveau ?
Et quand tes yeux me reprennent
Je te dis, Ã toi qui ne m'entends plus,
Je te dis combien je ressens ta solitude,
Mon impuissance à t'aider
Malgré ma tendresse qui irradie vers toi.
Chaque être est enfermé en lui-même,
Personne ne peut entrer dans l'univers de l'autre.
Et moi, je te regarde
Je regarde le pauvre être vide que tu es devenue,
Et je te dis que je ne peux rien pour toi.
C'est ta chair qui souffre
Je ne peux pas entrer dans cette souffrance
Je ne peux pas la diminuer
Je ne peux pas la ressentir
Je ne peux que te laisser seule avec elle
Et te dire que tu devras la porter toute seule
Jusqu'au bout
Du premier au dernier jour de sa vie
L'être humain doit supporter seul
Le poids de son corps, celui de ses sentiments
Souffrance, bonheur, rien ne se partage vraiment.
L'humanité n'est que juxtaposition de solitudes
Qui se heurtent
Rebondissent les unes sur les autres
Mais jamais ne s'entremêlent
Et quand je te quitte,
Ton regard est déjà reparti dans le vide
Dans cet univers que j'ignore
Et ignorerai à jamais
Au revoir maman
Je t'aime
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Vous ne donnez que peu lorsque vous donnez de vos biens
C'est lorsque vous donnez de vous-mêmes que vous donnez réellement.
Khalil GIBRAN