C’est la dernière pâquerette
Toute fine presque muette
En ce fin fond de décembre
Elle a surgi de loin des tendres
Perle nacrée d’espoirs tous chauds
Petite hirondelle émigrée trop tôt
Elle se dresse douce ingénue
Dans l’herbe rare comme mise à nu
Emouvante seule gracile
Frissonnante et si fragile
Elle est ma sœur en ce jour d’hiver
Brisée par d’innombrables hiers
Espérant improbable printemps
Mais bien droite parée obstinée
Se moquant des frimas et sans cache-nez
Pâle reflet de marguerite
Modeste présent qui vaut Magritte
Moi je m’effeuillerai toute amoureuse
Un peu beaucoup en vie de gueuse
A la folie passionnément
MĂŞme si vous ĂŞtes mon tourment
Fleur des champs douce j’aime tant aimer
Bouquet de joies en feu brassées
Je suis l’ultime pâquerette
En noirs néants je fais la fête
Nul ne saura déraciner
Mes sèves fortes et embaumées
BientĂ´t bourgeonneront lilas
Roses et mille bougainvillées
Mais je resterai trésor caché
Enfantins colliers nacrés
Ou bouquet de fête des mères
Viens cueille moi je t’espère.
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"Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue:
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler:
Je sentis tout mon corps et transir et brûler."
Racine, "Phèdre"...