Lorsque dans les matins aux gris de tourterelle
Je devine en mon sein de tristes ritournelles
Lorsque les brumes claires ne percent plus mes nuits
Et que sur mes paupières charbonne joie enfuie
Lorsque les vides blancs de mille solitudes
Arpentent impatiemment mon âme sans mansuétude
Lorsque la vie trépasse avant que d’exister
Et que les calebasses de fiel vont m’abreuver
Lorsque les angoisses me montrent patte blanche
Me clouant avilie entre quatre planches
Je me sens à moi seule louve et puis chevreau
Pierres lestent mon ventre alors je saute à l’eau
Lorsque l’horizon lourd se voile de méandres
Et que la vie serpente en marécage oiseux
Lorsque les mains crochues autour de moi se tendent
Et qu’Ophélie la pâle est offerte aux affreux
Alors je te regarde de si loin mais si proche
Et j’ai envie de rire de te mettre dans ma poche
Petit poucet rêveur tu adoucis déserts
Merci en ces froidures de partager dessert
Car lorsque tu m’écris je souris de tendresse
Et tes mots un peu fous bousculent les détresses
Une vie nous sépare mais les mots sont jumeaux
Et quand je broie du noir ton cœur me fait tout chaud.
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"Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue:
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler:
Je sentis tout mon corps et transir et brûler."
Racine, "Phèdre"...