La prostituée du coin de la rue.
Avant j'habitais, dans un quartier de prostituées,
Parmi elles, une plus que les autre me choquait,
Non pas par ses vêtements, ni sa façon de parler,
Mais son visage attristé, parfois désespéré.
Elle était assise sur le seuil de sa maison,
Elle regardait devant elle, passer chaque saison,
Vous allez vous demander pourquoi j'use du passé,
Car un jour, elle a disparu... Elle s'est faite tuer.
J'avais l'habitude de l'entendre tourner sa clé,
Tous les jours, dans la serrure un peu cassée,
Puis elle sortait tranquillement, l'air fatigué,
Un cigarette à la main, elle attendait.
L'hiver, un grand manteau de fausse fourrure, elle portait,
L'été, bien peu vétue et plus aiguichante elle était,
Si un homme venait, elle écrasait sa cigarette et souriait,
De (presque) toutes ses dents, par la nicotine et l'alcool abimées.
Il lui parlait, elle répondait, puis elle le faisait entrer,
La petite lumière au dessus de la porte s'allumait,
Un peu plus tard, l'homme sortait, et lui tendait,
Quelques billets... Bien peu pour tout ce qu'elle faisait.
Un jour, alors que je passais devant chez elle, lumière allumée,
Elle avait omi de fermer le volet de la chambre où elle "travaillait",
Je voulu le faire pour ne pas la gêner, si quelqu'un passait,
Je m'approchais pour attraper le bois moisi du volet....
Il la frappait, sans retenue ! Le sang, de sa bouche, coulait,
Elle criait : "Attendez !!! Je le ferai... Tout ce que vous voulez !"
Un rictus se dessina sur ses lèvres et il entreprit de la sodomiser,
Insensible à ses cris. Il lui faisait mal, inlassablement, la frappait.
J'avais peur, terriblement peur. Je savais que ne devais pas regarder...
Que c'est à une scène quotidienne de sa vie que j'assistais,
Mais malgrè moi, malgrè elles, les larmes coulaient, coulaient,
Comme le sang de son corps, sur elle, toujours, ruisselait.
Avant qu'il n'aille plus loin, et qu'à vie je sois choquée,
Je pris les volets, en proie à une fureur incontrôlée,
Je les claquais avec force contre la vitre qui s'est brisée,
Et je me mis à courir dans la ville sans savoir où j'allais.
Ces images passaient en boucle dans ma tête dérangée,
Je pleurais, parfois je criais, pour laisser passer cette haine étranglée,
J'avais envie d'aller la voir pour la consoler, pour la soigner,
Alors une fois ma colère passée, j'y suis retournée.
L'homme sortait. Je me retins pour ne pas lui dire, ne pas lui hurler,
Bon nombre d'insultes. Je savais que je me serai faite frapper.
Il lui tendit un billet. Je pus lire : 100F. J'étais... INDIGNEE !
Elle éteint la lampe et me sourit, le visage tuméfié.
Et avant qu'elle ai pu refermer la porte, je me suis faufilée.
Elle m'a vue et m'a dit :"Tu ne devrais pas rester, tu sais...
C'est toi qui as claqué les volets avec une telle intensité ?
Héhé... -Elle rit en grimançant- Un peu de répit, tu m'as donné."
J'avais appris à la connaître, elle m'avais, sa vie, dévoilée,
Elle n'étais, bien sur, pas ici, à vendre son corps de son plein gré,
Et pour que son patron soit content, elle devait ramener,
Le plus d'argent, à n'importe quel prix. Même s'il la battait.
Je me rendis compte, que cette prostituée, je l'aimais.
Pour ce qu'elle avait de courage, ce qu'elle endurait,
Sans jamais pleurer, toujours plus loins, avancer.
Je l'admirais. Mais on l'a tuée. Je le sais.
Un jour un client est arrivé,
Il lui a dit "Viens, Allez."
J'ai vu, le pistolet, pointé,
Prêt à tirer.
Elle ne pouvait qu'avancer.
Elle l'a fait.
Elle m'a vue la regarder.
M'a lancé un trousseau de clé.
Et silencieusement m'a hurlé :
"Ferme à clé et garde les !
Car jamais je ne reviendrai !"
Ses lèvres ont tremblé.
Ses yeux se sonf fermés.
Elle m'a regardé.
Et fait comprendre.
Enfin, il me semble.
Dans ses yeux.
Tellement bleus.
Je lus la mort.
J'ai lu son sort.
Les lèvres ont formé.
Trois mots simplets.
Qui m'ont fait pleuré.
Tant ils m'émeuvaient.
Un "je t'aime" silencieux,
Un "je t'aime" malheureux.
Puis un "merci
Pour toute la vie".
Et d'autre choses saisies ou pas.
Tant pis, je pleurais, pas à pas.
Elle monta dans la voiture.
Garée devant un mur.
Elle lança un papier.
Que je vis tomber.
Et que je ramassais.
Et qu'ensuite je lisais.
Elle me regarda encore.
Je lus encore la mort.
Elle me cria,
Avec voix cette fois.
"Suzy. Je ne t'oublierai,
Jamais, jamais jamais !"
Des mots gravés,
Dans mon coeur.
"Suzy. C'est l'hiver et je t'écris ce mot les doigts gelés. -Au moment de son enlevement, il était le mois de juin.- Un jour je vais partir, quelqu'un va venir me chercher. Et alors tu saura que plus jamais tu ne me verras. C'est triste, car tu sais que moi aussi je t'aime. Je ne sais pas pourquoi il viendra. Mais ce que je sais c'est qu'il sera armé. Donc pas de discution. Je vais te dire maintenant tout ce que j'ai à te dire. Comme ça pas de précipitation le jour venu. Je te remercie pour l'autre jour, tu sais, le jour du volet. Quand tu es venue et que tu m'as réconfortée et soignée. Où même chaque jour, où quand tu passais pour aller à l'école, tu me disais "bonjour". Tu n'es pas comme les autres. Qui passent en me regardant de travers. Ils ne comprennent pas que si j'avais le choix, je ne serais pas là ...
Suzy, ne m'oublie jamais quand je ne serai plus là , près de chez toi. Je sais que ce que tu as vu le jour du volet t'a incroyablement choquée. Si j'avais su, j'aurai mille fois pensé à fermé le volet. Mais je suis heureuse d'avoir oublié. Car après j'ai véçu l'heure la plus belle de ma vie. En compagnie d'une petite sans préjugés. Tu sais que ça m'a fait tellement plaisir.
Suzy, je t'aime.
Natacha."
Et moi aussi, je l'aimais.
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Poème de vie,
Poème fleuri,
Poème de fée,
Poème d'été...
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