La symphonie des oiseaux
1
Ainsi les oiseaux m’enseignèrent
Et au double suicide se donnèrent
Une fois quand leurs amours immigrent
Une autre, quand vint le printemps
Solitaire sans parfum et sans rayon
Ce soir je suis comme ses oiseaux
Qui regardent avec leurs ailes
Et je vole avec mes deux yeux brisés
Et Ave emprisonne toute ma joie
Et ses nattes accablent mon cœur
Toutes elles disparaissent
Sauf celle qui a tendue à la pierre, son sein
Elle ne lui reste plus de bouche à allaiter
Après avoir perdue tous ces siens
Elle n’a plus de maison à habiter
Mais elle a pour creuser la terre ses mains
Et elle a son rêve
Elle a son cri qui jure et injure
Et renie les faux racontars
Elle a la fierté du printemps
Et son amour pour le soleil qui prie pour elle
Et elle a mes deux bras une patrie toute tendue
Toutes elles disparaissent tel un mirage
A celle qui a tendu son sein à la pierre
Cet amour ! Paix ! Fleurs ! Lait ! pluie
2
Pour quoi as-tu dis croire aux livres ?
Tu aimais les oiseaux qui chantaient
Le lever matinal
Tu peignais tes cheveux dans mon cœur
En geste banal
Et ton cœur est un portail ouvert sans clef
Et tes yeux lumière pour les papillons
Quand ils s’égarent
Et tes cils un pont pour que les fourmis ne se noient point dans la rivière
Et tes mains une lampe pour ceux
dont le cœur s’est lavé par le lait des pierres
Incroyable oh femme !
ta lecture ne connaît de droiture que dans l’espace de mes yeux
Et le noir de mes yeux reste prisonnier de mes pupilles
Tes cils sont gage d’une approche
Elles se demandent comment le soleil
Habite –t-il la couleur de mes yeux
Et comment mes pupilles toujours
En exil ?
Elles fouillent dans le fond mon regard
Et elles m’arrachent l’ombre de la beauté des choses
Elles creusent mon cœur pour se distraire
Elles effacent de mes pieds le départ vers mes sommets
Toutes mes choses tu les as
Sauf ma souffrance ! Sauf ma peine !
Elle rejette le lointain et l’exil
Et habite la paume de ma main
Toutes mes choses tu les as
Sauf ces pierres allaitées
Qui voltigent de nostalgie dans
Mon cœur
Qui me verse la couleur des montagnes
Et l’âme du rayon
Toutes mes choses tu les as
Et j’ai mon amour
Oasis de papillons
Et une mer d’ailes
Elle allaite tantôt en marré hausse
Tantôt en marré basse ces pierres
Ces pierres poussent dans ma main
Comme des doigts
Et ma main devient mer
Elle offre son eau douce
Tantôt en marrée haute tantôt
en marrée basse
Autant que tu persécutes la terre
Autant que tu violes nos joies vertes
El omari Lhassan
Casablanca 1980
La symphonie des oiseaux