Plume de platine Inscrit le: 31/12/2006 De: Chlef / Algérie Envois: 7615 |
Sud sud... Chaud , ce jour ou la poussière fait une brume lourde qui cache tout le ciel ou le soleil paraît comme un rond flou , figé dans cette immensité ocre et jaune que reflète la terre sèche et pauvre de vie . La montagne, elle aussi dissimulée derrière ce voile poussiéreux, n’offre plus ses vents salutaires qui sentent la fraîcheur des nuages lointains lorsqu’il pleut ailleurs, elle ne montre plus ses couleurs verdâtres qui donnent espoir à la liberté. La pluie ne tombe presque jamais sur la vallée vide, les enfants ne la connaissent pas, les plus grands en gardent un très malheureux souvenir car les dernières averses ont causé de grands dégâts, c’était l’inondation, il a plu de la boue, il y a de cela des saisons. Le combat, c’est le quotidien de toutes les créatures qui résistent encore à cette nature hostile et sans pitié. Toutes les bêtes chassent, toutes les autres sont des ennemies. Les seules plantes qui existent invisiblement mènent aussi leur combat avec leurs épines douloureuses pour se protéger de la mort, d’autres puisent leur bien être de leur racines qui vont chercher la sève vitale dans les profondeurs du sol défiant ainsi ce climat radin. Ici c’est le grand sud, le nord ça n’existe pas.
La mer, la neige, l’hiver froid et la beauté du printemps, ce sont des histoires que nous avons apprises à travers les contes que nous dit le chef de notre tribu. Il nous disait la mer qu’ils ont traversée, le navire qui creuse son chemin à travers les lames hautes comme la montagne. Ils étaient enrôlés dans une armée qui promettait la liberté, pour aller se battre contre un ennemi qu’ils ne connaissaient pas. Il nous disait la ville bruyante ou l’homme marche sans dire le salut. Il nous disait la guerre et la peur de mourir sous les tirs des avions qui voltigent dans le ciel tels de vrais oiseaux. Il nous racontait la femme blanche qu’il a vue, ses yeux clairs et tendres lui faisaient oublier la peur, la lassitude et la nostalgie au pays. C’est là que le vieux murmure toujours silencieusement des mots étranges avant de fermer ses yeux et de sombrer dans un sommeil aux rêves qui lui faisaient un petit sourire sur son visage ridé.
Comme tous les autres, je me faisais mes propres rêves de ces histoires du pays lointain. Des images qui accompagnaient mes pieds nus quand je marchais dans la vallée en quête d’une chasse inespérée. Mon plus grand rêve, voir ces yeux que le chef contait, toucher à ce secret heureux, ce lac paradisiaque entouré d’une foret danse ou les espoirs se baignent nus, comme disait le conteur, hanté par des démons joyeux que ses chaînes de grigris qui lui entouraient son cou n’ont guère réussi à gagner.
Le chef de notre tribu n’est pas seulement le sage qui tranche dans les questions épineuses et arrange les conflits entre les gens, c’est aussi le marchand qui nous donne gratuitement les rêves, ses propres rêves qui ne sont jamais arrivés, et qu’il veut nous transmettre comme un héritage, pour les faire perpétuer à travers notre jeunesse. Son calumet entre ses lèvres noircies par une danse fumée, ses yeux rougis par la magie que lui procure la braise des herbes folles quand ses narines larges dégagent un nuage vaporeux qui lui couvre tout son visage maigre, ridé et sans joues. Nous écoutons dans le silence ses paroles qui donnent plus de couleurs aux images qui nous accompagnent dans notre marche vide. Nous écoutons, fascinés par ces histoires fraîches et délicieuses que le vieux plante dans nos têtes attentives. Il parle, assis a plein le sol, englouti dans sa gandoura, le visage couvert par le nuage magique, un ruban lui entoure sa tête riche de dire qu’il nous conte généreusement. Il parle, soudain il saute, il fait des grimaces étranges et des cabriolets. Il hurle même, éjectant parfois des mots incompréhensibles avec la langue du nord dans ses danses folâtres qui nous rendent ébahis. Chacun de nous se demande quelle est cette force mystérieuse qui rend fou le plus sage d’entre nous, quel est ce rêve qui donne le sommeil et dessine sur les lèvres un sourire innocent.
Kader... Extrait d'un recueil de nouvelles...
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