Je m’en souviens encor, quand on m’en empêchait :
« Si tu veux être un homme, il ne faut pas le faire ! »
J’y repense souvent. Quel était le péché ?
« Y a que les paysans qui font ça ! Belle affaire !
Cela ne se fait pas quand on est éduqué !
Les filles, tu verras, n’aiment pas trop ces choses !
Continue donc ainsi et tu seras plaqué !
Si tu sais te tenir, tu cueilleras leur rose ! »….
Aujourd’hui je me dis que les temps ont changé !
Je n’ai pas attendu malgré tous ces conseils.
Car bien sûr, je l’ai fait, et ça n’a dérangé
Personne, que je sache et tout est bien pareil !
Un dimanche, en effet, oĂą je me promenais
Sur le Cours Mirabeau, je l’ai vue qui marchait.
J’étais encor, je sais, comme on dit, un « minet ».
J’ai voulu la connaître. Il fallait me « brancher » !
Il ne faisait pas chaud. Nous Ă©tions en hiver.
Il fallait que j’aie l’air d’un garçon sur de soi.
Un garçon comme il faut ! Que j’aie l’air d’être ouvert !
Ne sais ce qui m’a pris, pour la première fois…
J’avais glissé mes mains, en la sollicitant,
Dans cet endroit bien chaud qu’on m’avait interdit.
Je m’étais rapproché, le cœur tout palpitant,
Et mes doigts tout à coup n’étaient plus engourdis.
Puis levant son visage – j’attendais un refus--
La belle me sourit… Je n’étais pas si cloche !
Tout ce qu’on m’avait dit… J’en étais tout confus !
Ce qu’on m’interdisait ? Mais… les mains dans les poches !
(Durant cinq ans, au lycée où j’étais interne,
si l’on avait le malheur d’être repéré avec les mains dans les poches,
on nous les faisait coudre durant un mois… été comme hiver….)