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Le chevrier, ou Amaryllis (Poème inspiré de l'idylle III de Théocrite) Le chevrier, ou Amaryllis
Amaryllis, devant ta grotte je pleure, Hostile, tu me fuis, épris, je demeure Et à tes lois cruelles mon cœur est soumis ! Ô, Tityre ! Viens, mon fidèle ami, Tandis que ce chant sort de mes lèvres, Veille sur mes boucs et sur mes chèvres Et laisse gémir ton ami amoureux. Mais prends garde, ce bouc est vigoureux, Il vient de Libye, comme moi il est morne Et pourrait te frapper de sa corne. Douce Amaryllis, souffre que mon cœur Se plaigne de tes hautaines rigueurs ! Souffre qu’un amant épris de tes charmes Devant ta grotte verse des larmes ! Ô, Nymphe ! Une fois je te vis Et le repos par tes yeux me fut ravi ; Loin de moi mon troupeau éploré erre Et maudit ma solitude austère ; Mes chèvres esseulées aux regards inquiets Dont le front caressait jadis mes pieds Et que les traits de Cupidon blessent, Éprises de leurs boucs me laissent Dans les bois profonds pour toi soupirer. Et le jour et la nuit m’ont vu pleurer, Et l’aube, et le matin, et l’aurore, Ont vu pâlir mon front qui t’implore ! Ô, Amaryllis ! Voilée par le soir, Devant cette grotte qui te cache viens t’asseoir Et d’un amant vient ouïr les prières ! La nuit rendra plus radieuse ta lumière, La nuit propice aux couches des amants ! Viens, déesse dont le front est charmant, Qui du fils d’Éthlios égales la paresse ! Appelle un amant qui se meurt d’amour À tes côtés, Nymphe belle comme le jour ! Ne me trouves-tu point beau ? Aphrodite Est d’Héphaïstos l’épouse maudite, À tes yeux cruels suis-je donc plus laid Que ce dieu boiteux ? Mon front te déplaît, Mon nez est-il trop court, mes yeux trop sombres Pour t’inspirer tant de dédain ? Dans l’ombre J’implore ton cœur et tu ne m’écoutes point. De mon regard ton regard est plus loin Que la Perse des colonnes d’Alcide ! Ô, déesse à mes vœux homicide ! Reçois ces dix pommes rouges comme mon cœur Blessé par les traits de tes feux vainqueurs ! Pour adoucir ton cœur dur comme le marbre, Je les au cueillies sur ce doux arbre Que m’a montré l’arrêt de ton blanc doigt ; Inexorable déesse, aime-moi Et demain je t’apporterai dix autres. Cette grotte où tu te caches est la nôtre, Elle sera la couche où nos radieux fronts Dans les ténèbres amies s’embrasseront ! Mais que ton cœur m’écoute et ton oreille ! Ô, dieux ! Que ne suis-je légère abeille ! Dans ta grotte sombre je pénétrerais, Et rapide comme le vent je me glisserais Dans le lierre et la fougère qui sont ta couche Et ma bouche embrassera doucement ta bouche ! De l’amour je sais maintenant les douleurs ! Dieu impétueux qui raille nos pleurs, D’une lionne il a sucé le sang. Sa mère L’a nourri dans les bois où erre la Chimère. C’est l’amour qui embrase tout mon sang ! Jeune fille au regard doux, ton œil puissant Me séduit, et ta beauté m’alarme ! Amazone dont l’ardeur me désarme, Ô, Nymphe aux noirs sourcils ! Dans tes bras, Prends-moi, Nymphe cruelle comme Héra Qui jadis châtia l’immortel Hercule ! Voici venir le pâle crépuscule, Viens, Amaryllis ! Cette obscurité Amie de l’amoureuse témérité, De l’amour sait voiler les feux tendres ! Déesse, daigne me voir et m’entendre, Ou je briserai – Présent, hélas, trop vil ! – Cette couronne de lierre et de persils Qu’amoureux, j’ai tressée pour te plaire ! Mais tu ne m’écoutes point ! Que faire ? Que devenir ? Ô, tu n’écoutes point ma voix ! Dans la mer vaste et moins cruelle que toi, Dans la mer dangereuse et profonde Dont le pêcheur Olpis dompte les ondes Et en fait sortir le farouche thon, Je me jetterai. Si le divin Triton De la mort sauve cet amant qui t’effare, Que mon désespoir réjouisse ton cœur barbare ! Je sais que tu me hais. Naguère dévot, J’interrogeai la feuille du pavot, Qui dans ma main pressée resta muette ! L’enchanteresse Agréa, inquiète, Dont le crible sait deviner l’avenir, Me dit : « De ses feux oublie le souvenir, Chevrier, ne l’aime point, elle te torture. » Cependant, malgré tous ces augures Qui désespèrent le cœur le plus épris, Ton image hante toujours mon esprit Et je ne puis t’oublier, cruelle. Une chèvre blanche aux riches mamelles Est le gage que veulent t’offrir mes feux. Je ne suis point roi pour éblouir tes yeux Avec l’or que toutes les femmes chérissent. Si ton cœur n’obéit qu’à tes caprices, À Érithacis, la fille de Mermnon, Érithacis dont le cœur loue mon nom, Je donnerai la chèvre, présent inutile Qui n’enchante point tes yeux qui me mutilent ! Et…Dieux ! Je sens tressaillir mon œil droit ! Cette inhumaine qui m’inspire tant d’effroi Après tant de soupirs, viendra-t-elle ? Sous ce pin je vais m’asseoir. Ma belle Est chaste, mais n’a point un cœur d’airain. Je chanterai pour bercer son cœur souverain.
Je chante Bias et Hippomène, Je chante Adonis et Endymion, Et pour t’attendrir, inhumaine, Je chanterai aussi Iasion !
Jadis amoureux d’une jeune princesse, Hippomène, qu’Atalante blesse, Les mains chargées de pommes comme mes mains, De sa belle dompta le cœur inhumain ! Je chante Bias et Hippomène, Je chante Adonis et Endymion, Et pour t’attendrir, inhumaine, Je chanterai aussi Iasion !
Mélampe, que les dieux le bénissent ! D’Iphiclius conduit les génisses À Nélée, père cruel de Péro, Femme de son frère Bias, noble héros !
Je chante Bias et Hippomène, Je chante Adonis et Endymion, Et pour t’attendrir, inhumaine, Je chanterai aussi Iasion !
Adonis, dont Vénus fut amoureuse, Vit cette déesse pour sa mort malheureuse Descendre aux Enfers de leur hôte contents, Implorant Perséphone et le Printemps !
Je chante Bias et Hippomène, Je chante Adonis et Endymion, Et pour t’attendrir, inhumaine, Je chanterai aussi Iasion !
D’Endymion, amant d’une déesse fière, La lune amoureuse ferma la paupière. Que ne puis-je comme lui dormir Sur ton sein, Amaryllis, sans frémir !
Je chante Bias et Hippomène, Je chante Adonis et Endymion, Et pour t’attendrir, inhumaine, Je chanterai aussi Iasion !
Iasion, fils de Minos et de Phrynie, De Cérès alluma la flamme infinie Qui l’aima dans un champ trois fois blessé. Que ne puis-je comme lui te caresser !
J’ai chanté Bias et Hippomène, Adonis, Iasion et Endymion, Mais je ne vois point, ô, inhumaine, De ton soleil chéri les doux rayons !
Je suis las et je vais dormir ici. Je ne chanterai plus. Les loups, ainsi, Dévoreront l’amant qui te courrouce, Et ma mort comme le miel te sera douce.
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