LA PIANISTE ET L'ANGE
Près du piano, où la clarté tombait,
Par la mansarde ouverte,
Je voyais un ange aux ailes repliées,
Serein, cet amoureux des étoiles...
Immobile, l'oreille aux aguets,
Comme s'il était chargé d'un secret,
Il semblait espérer dans son idéal,
La venue d'un génie habité du divin!
Soudain, au bout du couloir,
Des bruits de pas, des bruits étouffés;
Une porte qui cède, et c'est l'enchantement,
Le déploiement d'une rose, d'une grâce.
C'est un autre ange qui passa,
En venant s'asseoir au tabouret du piano.
Peut-être, que le roi du ciel, s'était abstenu
De révéler au petit ange, qu'il toucherait une fée.
Figurez-vous, elle a des cheveux d'or,
Elle est jeune, candide, l'oeil ingénu,
Et dans ses yeux plus profonds qu'une lune,
L'ange crut voir passer l'univers!
Et la pianiste qui fêtait ses seize ans,
Se balançait au gré des gammes;
Elle riait, pleurait, improvisait des lieds.
Une indicible mélodie charmait tout son être!
L'ange qui se grisait du bal des sons
S'était approché, ému, de la musicienne;
Et, en palpant la soie de sa robe blanche,
Il avait senti l'odeur des choses muettes.
La jeune demoiselle n'avait rien sentie;
L'ange, étant invisible, irréel.
Aujourd'hui, il ne reste plus que des souvenirs vagues:
" Le piano s'est éteint comme une bougie".
La fée avait perdu la vie,
Un matin, en montant son cheval,
Et dans le salon, un ange pleure, le coeur blessé.
2005.
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Je crois qu'il n'y ait eu guère d'auteurs qui aient été contents de leur siècle. Vauvenargues.