C'est un petit garçon. Un petit garçon que je juge touchant.
Il est assis tous les jours à la même place dans le bus, il passe inaperçu.
Toujours en face de moi, on le croirait destiné à être au milieu du brouhaha.
Entre coups d'oeil lubriques et conversations futiles, il ne bouge pas d'un cil.
Il est assis près de la fenêtre seul. Et il sourit...sans arrêt.
C'est tellement inédit de sourire à la vie.. tellement rare qu'on pourrait prendre cela pour de la niaiserie
ou une incessante hypocrisie.
"Comment peut on sourire lorsque le monde va mal ?" demanderont les âmes mesquines.
Il a les cheveux bruns et les yeux noisette semble être bienveillant et avoir le coeur en fête;
Sa candeur sa pudeur et sa jeunesse me bouleversent.
Il a une façon d'observer particulièrement singulière : Il appuie ses bras sur ses cuisses,
est légèrement penché en avant, son dos n'étant pas appuyé au dossier du fauteuil,
dépose délicatement ses doigts juvéniles sur sa joue enfantine et regarde.
Comme si c'était la première fois il regarde.
Et pourtant jour après jour, il prend le même bus entourés des mêmes âmes creuses et des mêmes filles frivoles.
Il semble même observer avec compassion sans pour autant tomber dans la condescendance.
Ce sourire, son sourire...Il n'ouvre pas la bouche, seules ses lèvres fines et roses bougent.
Ses dents n'ont pas besoin d'être visibles pour dire de lui qu'il a " un joli sourire".
Il a peut- être onze ou douze ans, âges où les garçons se sentent sûrs d'eux et indépendants ,
parfois méprisants auréolants de fierté et d'immaturité, lui n'émane que la tendresse d'un garçon aimé d'un enfant.
On croirait qu'il fut élevé dans la sérénité ambiante, bercés par des géniteurs emplis de douceur
. Il a l'air sans arrêt heureux, posé et affectueux.
A l'heure où les pathétiques petits mâles se sentent hypothétiquement virils, lui n'a que son sourire;
Son regard se veut inconsciemment je pense, séducteur mais l'innocence et la douceur effacent toute forme de sensualité ou d'érotisme.
mon amie, le voyant parfois me sourire, me pousse avec son coude en me disant " tu as vu comme il te regarde",
je lui réponds " il regarde tout le monde comme cela". Elle ne comprend pas. Elle ne peut pas comprendre, il n'y a que lui et moi qui le pouvons.
Lui seul comprend que j'aime sa douceur, sa fragilité apparente, son mutisme aimable et tout sauf pesant.
C'est un petit garçon. Un petit garçon qui me sourie...de temps en temps.