Plume d'or Inscrit le: 5/3/2008 De: Tunisie Envois: 1238 |
La montagne et le ruisseau La montagne et le ruisseau Le ruisseau Ô, montagne ! Sous ton œil je coule, Paisible toujours et loin de la houle, Comme un enfant qui n’a point vu l’hiver Et que sa mère cache à tout l’univers ; Chaque jour, quand l’aube s’éveille avec paresse, En tremblant doucement je caresse Ô, déesse, tes pieds blancs et parfumés ! Et chaque nuit, quand, les yeux fermés, Tu t’endors sur le sein de la nature, Je respire le parfum de ta chevelure Qui choit, comme la rosée sur la fleur, Sur mon front humide que mouillent les pleurs ! Ô, montagne immortelle, je t’aime ! Et je ne puis, malédiction suprême ! En contemplant tes charmes, rêveur pieux, Voir mes yeux dans le miroir de tes yeux ! Oh ! Je ne puis que louer tes grâces ; Éternelle, tu restes ; éphémère je passe !
La montagne Ô, ruisseau, si tu pouvais voir mon cœur ! L’on me croit hautaine et mon front vainqueur, Mais mon âme gémit ! Mais je souffre ! Tout l’univers est pour moi un gouffre ! Ma prunelle verte ne voit que l’azur, Je ne puis, hélas ! Amant au cœur pur, Te regarder. Mais je puis entendre Chanter la lyre de tes eaux tendres Quand le jour sommeille et quand rêve le soir ! Je t’aime, dussé-je ne jamais te voir ! Dût Dieu, dans sa sagesse profonde, T’assiéger de rocs et m’assiéger d’ondes ! Je puis périr, je t’aimerai toujours ! Car, comme le soleil immense, l’amour Même lointain, reluit et rayonne Et emplit le monde de ses éclairs ! Comme je demeure, coule, ruisseau clair ! Pour toi, je serai la mère et l’amante, Tu m’appelleras ta reine charmante Et je t’appellerai mon roi charmant !
Le ruisseau Mais tu es haute comme le firmament Et je suis l’humble ruisseau qu’on oublie ; Ta grandeur égale ma mélancolie, Ô, montagne dont le front est si haut ! Autrefois le moine, armé d’un flambeau, Que n’assaillent point nos inquiétudes, Contemplait Dieu dans ta solitude, D’Héraclès tu vis les radieux travaux, D’Orphée tu ouïs chaque jour un chant nouveau, Des prophètes tu écoutas les prières Et de Dieu lui-même tu vis la lumière Et tu daignes pourtant, douce déité, De mon amour avoir la velléité !
La montagne Divin ruisseau dont le front est sans rides, Ton cœur est pur comme ton œil limpide, Et dans les bois profonds tu vis jadis Avec ses nymphes, la chaste Artémis Étancher sa soif, et Aphrodite Volage et dont l’œil jamais ne médite, Reposer doucement sa nudité Loin des hommes et du monde agité, Dans tes eaux amoureuses et solennelles ! Moi, devant ma triste et joyeuse prunelle, Je vois chaque nuit errer les amants Dans mes bois, et s’embrasser doucement Comme deux oiseaux s’embrassent sur leur branche En laissant tomber sur moi leurs plumes blanches ; Mais je ne puis, ô, mon bien-aimé, Que te dire de mon cœur alarmé Les soupirs profonds comme des abîmes !
Le ruisseau Chaque fois que je vois blanchir ta cime, Du soleil qui se lève je suis jaloux ! Il te caresse avec ses rayons doux Qui éblouissent le cœur le plus chaste ! Comme le vent joyeux m’est funeste ! Car chaque fois qu’il souffle, bienheureux Et de tes grâces comme moi amoureux, Il remue ta chevelure dorée Et respire ton odeur, mon adorée ! J’eusse aimé, comme le vent et le soleil, Etre libre et à Dieu lui-même pareil, Mais la terre avec ses fers m’enchaîne À son gouffre, et me prive, ma douce souveraine, De tes caresses dont l’amour rajeunit !
La montagne Mais ton cœur comme la mer est infini ! L’amour nous embellit, et nos âmes Sont des flambeaux, où sa vivante flamme Rayonne, même dans les ténèbres et la nuit ! N’en doute point, le ciel où tout reluit, Le ciel que nos souffrances alarment, Écoute tes soupirs et voit mes larmes ! Tu me nommes ta reine et tu es mon roi ; Tout peut m’aimer, mais je n’aime que toi ! Que m’importent les mortelles créatures ? Quand de tes ondes j’écoute le murmure, Tu berces mon cœur ; tranquille, je m’endors En songeant à notre amour sans remords !
Le ruisseau Que Dieu, qui te rend si belle et si douce, Qui sur l’aube qui naît et la fleur qui pousse Veille, comme la mère sur son enfant, Et qui fit l’amour doux et triomphant, Daigne exaucer mes vœux légitimes Et nous donne la paix, ce présent sublime !
|