Plume d'or Inscrit le: 5/3/2008 De: Tunisie Envois: 1238 |
Le chant du soir Le chant du soir
Derrière les lointaines collines, Le soleil descend lentement ; La forêt sombre est divine Et le mont vaste est charmant !
Tout se tait. La fleur pâle Qui dit des mots inconnus Ferme doucement ses pétales Et frémit comme l’enfant nu ;
L’arbre dont l’oiseau joyeux Ployait doucement la branche, Comme un homme las ses yeux, Ferme sa paupière blanche ;
Et le ciel semble dormir Dans l’alcôve des nuages, Que parfois on voit frémir, Comme du péché le sage ;
Le soir berce le monde Dont le bras s’appesantit, Et quelque chose gronde Dans les bois où retentit
Le rugissement mystérieux De l’arbre et de la rivière, Qui, des abîmes silencieux, Comme la nuit de la lumière,
Sort en déployant ses ailes ! Femme dont le cœur est ardent, La nuit ouvre sa bouche frêle, Où la lune brille comme une dent !
La forêt pleine de mystères Sur sa bouche met son doigt, Dit à l’homme de se taire Et sa symbolique voix
Lui murmure : « Qu’on te nomme Prince, roi ou empereur ; Le matin est à l’homme Et le soir est au Seigneur !
Il mit la paix en toute chose À l’homme las ou amoureux, Comme la rosée à la rose, Donna le soir ténébreux !
Quand il fait jour, l’homme travaille, Quand il fait nuit, il s’endort ; La nef, que le vent assaille, Après la houle, trouve le port !
Écoute ces voix infinies, Ô, philosophe en émoi ! L’univers est harmonie Et le chaos est en toi !
De ce doux soir qui chante Écoute le gazouillement ; Enchanté, il enchante, Et il reluit doucement ! »
Ô, jour que le soir caresse ! Dans ces grands bois oublieux, Virgile eût vu une déesse Et Michel-Ange eût vu Dieu ;
Le sage qu’une pensée enivre Et dont le cœur s’obscurcit, Eût, en fermant son livre, Ployé son aile blanche ici ;
Maint poète dont l’œil rêve Et dont le cœur las gémit, Eût, quand le jour s’achève, Songé dans ces bois amis !
Et moi je veux, ma muse, Qu’ensemble et seuls ce soir, Loin de la cité confuse Nous contemplions ce ciel noir ;
Oh ! Loin du tumulte humain, Dans un bois qui console, Je veux, comme l’écho lointain, Ecouter tes paroles ;
M’incliner, comme sur une fleur, Sur ta frêle chair parfumée, Pour respirer ton odeur, Ô, ma douce bien-aimée !
Puisque le soir nous sourit, A la quiétude nous invite, Puisque le mont est fleuri, Puisque le Printemps médite,
Viens reposer ton pied blanc Sous l’arbre que l’ombre éclaire ; Je te dirai, en tremblant, Mille douceurs pour te plaire !
Tu verras, reine des mortelles, Ma poésie à genoux Implorer ton cœur rebelle Et ton sourire si doux ;
Dans un hymne langoureux, Je louerai tes grâces ; Oh ! Comme je serai heureux Si tes lèvres m’embrassent !
Aimons-nous donc ! Tout est vain ! Le temps fuit. Les heures ailées Dans l’azur de nos destins Se seront vite envolées !
Hélas ! Les jours de l’homme Sont éphémères et inquiets ; Et dans le monde où nous sommes Tout a l’aile et non le pied !
C’est la loi. Rien ne dure, Tout s’écroule et s’évanouit, Tout tombe, ô, sentence dure ! Dans l’abîme et dans la nuit !
Seul l’amour est éternel Et seul l’amour demeure ! C’est le seul bien immortel Que l’homme dignement pleure !
Oh ! Moi que les jours assaillent, Poète du monde ignoré, Loin de la foule qui raille Tout homme par Dieu éclairé,
Je t’emporterai, ma belle, Loin de ce monde vengeur, Comme l’oiseau sur la nacelle, Sur l’aile de ce soir songeur !
|