Plume d'or Inscrit le: 5/3/2008 De: Tunisie Envois: 1238 |
A la maison de mon oncle A la maison de mon oncle
La demeure est vaste et a l'air joyeux; Le soleil y verse ses rayons radieux Comme de la liqueur dans une coupe pleine, Et des fleurs on sent monter l'haleine Dans son jardin par le printemps fleuri, Doux éden par le soleil chéri Quand, avec ses doigts blancs, il le touche. L'oiseau y vole, une branche à la bouche, Paisible et laborieux, pour faire son nid Et emplit l'air de son chant infini, Et le papillon, doré ou pâle, De ses ailes remue les pétales Qui s'ouvrent, lumineux sans être hautains, Pour embrasser les lèvres du matin. Tout parle, tout murmure et tout chante, Tout est enchanté et tout enchante; De la vie reluit le sceptre vainqueur.
Hier, dans ce lieu si cher à mon cœur, Qui me vit enfant et qui me voit homme, J'étais joyeux, loin du monde où nous sommes Et libre comme un oiseau dans les prés. Hier, enfants de nos mères vénérés, Nous jouions, ô, mon tendre frère, Dans cet éden plein de lumière! Nous étions heureux, nous ne pensions pas. Nos pères surveillaient chacun de nos pas Et avec amour et patience Consolaient notre jeune inconscience; Et nos deux mères au sourire enchanteur Veillaient, déesses, sur nous, enfants rêveurs! Ô, hier, ce foyer qui semblait rire, A nos cœurs enfants pouvait suffire; Pour nous, cette maison était l'univers! Quand tout était obscurci par l'hiver, Près du feu nous y rêvions en silence. La chaleur berçant notre indolence, Nous nous endormions, quand il faisait froid, Loin de la houle, augustes enfants rois! Quand le doux printemps éclairait le monde Avec ses lueurs divines et profondes, Nous cueillions ensemble toutes les fleurs Qua la limpide rosée mouille comme un pleur L'œil ouvert d'une femme charmante. Nos nefs erraient, loin de la tourmente, Par ces deux clartés guidées dans l'océan, Nos mères tendres et nos pères bienveillants! Nos âmes étaient pures comme les âmes des vierges; Un soleil, une bougie, un cierge, Tout ce qui reluisait, tout ce qui brillait Etait l'œil du Seigneur qui scintillait Vague et sublime, dans les ténèbres obscures. Des oiseaux écoutant le murmure, Du vent l'écho, de l'aquilon le chant, Nous voyions le soleil dans le couchant Tomber, comme une larme lumineuse. Ô, rappelle-toi notre enfance heureuse, Rappelle-toi! Moi, je n'ai point oublié Ce foyer sacré dont la brise pliait Doucement, et les fleurs et les arbres, Pareil aux antiques temples de marbre Où de nos mères rayonne l'autel, Où l'on voit de nos pères, dieux immortels, Les deux statues courbées et qui prient, Et où dort, comme une sainte allégorie, Notre enfance au doux sourire éternel Qui unissait nos deux cœurs fraternels.
Oh! Aujourd'hui, tout rayonne encore, Dans le même ciel on voit la même aurore Et dans le même azur le même soleil Dont les rayons sont radieux et vermeils; La nature, mère qui nous oublie, Y reluit, fière et sans mélancolie, Et devant nos yeux que l'aurore ravit Tout semble un géant qui respire et vit. Mais quel néant! Mais quelle solitude! La mort a déployé son aile rude, Oiseau sombre et vengeur, dans ce saint lieu. Dans ce saint sanctuaire lumineux, L'œil voit rayonner l'aube éphémère, Mais où est l'enfant? Mais où est le père? Ô, mon cœur! Comme tout a soudain changé! Comme par le vide tout est assiégé! Je vois le soleil, les arbres et les roses, Mais je sens qu'il manque quelque chose! Les larmes qui mouillent mon cœur mouillent mes yeux, Mon âme s'assombrit comme brillent les cieux, Quand je regarde, ô, destinée amère! La pauvre femme et la pauvre mère, Victime de l'ombre au front triomphant, Pleurer le doux époux et le tendre enfant! Le sourire n'éclaire plus son visage, Pré radieux terrassé par l'orage Où la mort a laissé toute sa nuit.
Dehors, le soleil inhumain reluit. Tout semble cruel; l'oiseau qui gazouille Et la fleur radieuse que la rosée mouille; Tout a le front clame et l'air oublieux Et oublie ces deux tombeaux silencieux Où dorment, loin de la multitude, Le père et le fils, dans la solitude!
Mais dans mon cœur la plaie, ouverte encor, Saigne toujours! Car je n'oublie point les morts! Car mon cœur aime et n'est point volage! Car je souffre! Nul remède ne soulage Mon âme tourmentée, et mon esprit De ses blessures, hélas! N'est point guéri! A ta mémoire, mon frère, toujours fidèle, Je chanterai ton aurore immortelle, Et de ton père, qui fut aussi le mien, Mon âme éternellement se souvient!
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