CAEN, le ....
A Maryse,
Voilà . Une semaine tire à sa fin...dans la grisaille....Pas de pluie. Octobre traîne sa saison dés le matin en robe blanche sur les sillons. Il fait froid maintenant...
Et toi, Maryse, à la douce chaleur du Midi, tu n'as qu'à pousser tes lourdes persiennes en bois, pour que tes yeux se perdent sur une baie irradiée de soleil....chanceuse !
Pour autant, la Normandie, bien verte, recèle de mille lieux tellement beaux et reposantsoù il fait bon se ressourcer...malgré le froid et la pluie !
Mes endroits choisis, comme mes poésies, sont toujours là ....mais il y a longtemps que les galops et les randonnées équestres se sont perdues.....effacées , entre mer et campagne...il reste les flâneries...propices à l'inspiration.....le regard sur les vagues qui
mordent sans cesse le rivage.....Bernières/s/Mer, St-Aubin, Langrunes, Luc....etc ...
Le regard sur les chemins pierreux bordés d'ormes ébranchés, de ronces, sureaux et autres espèces d'arbres ébouriffés ! regard sur les plaines à perte de vue..;toutes en labours en ce début d'automne...IL faudra que tu viennes toi-même apprécier ce décor
normand que tui ne connais pas encore .
Chaque temps libre est une occasion de s'évader...loin de l'ambiance citadine...
Pourquoi faut-il , en te disant cela, que nos années lycée resurgissent ? Sans doute à cause de nos promenades champêtres...nos escapades à la Citadelle....Merci vauban..
tes remparts sont si majestueux...ainsi protégeaient-ils notre insouciance !
Te souviens-tu,Maryse...nous quittions la boucle bisontine....à l'assaut de cette citadelle,témoin de nos "châteaux en Espagne " !
Nous longions les profondes douves, nos poèmes en mains....nous empruntions à Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire et bien d'autres, les rimes de notre adolescence....le coeur nourri de rêves impossibles !
Il te reviendra - et comment l'oublier ? - ce cauchemard....le souvenir de notre amie commune de lycée , qui se pendit à une branche de ce marronnier géant....là , précisément où nous avions pris l'habitude d'échanger nos confidences....
Elle avait à peine dix-sept ans....le mal de vivre , que nous remarquions sans en avoir vraiment conscience...et baudelaire un jeudi, "chancela" sous un dernier regard d'elle !
Les "fleurs du mal" gisaient sur l'herbe, sous le marronnier et Lucie-Anne s'était pendue !
Rappelles-toi, quand elle était de nos ballades, elle ne se déparaissait jamais de cette tristesse qui donnait à son joli visage cette gravité que l'on cherchait à gommer en la faisant rire !
Dis, Maryse...si pénible soit cette image, savais-tu ,toi ,qu'elle irait
jusqu'Ã rompre notre trio? saurons-nous jamais les raisons de son geste ?
Souviens-toi, la veille...nous étions allées en suisse...en stop ...le printemps nous rendait encore plus frivoles..Lucie-Anne, elle , suivait, souriante et discrète....elle voulait que l'on aille à Morges, lieu important pour elle...important et douloureux disait-elle ....c'est lÃ
qu'elle avait rencontré le beau..trés beau Richard !
Pourquoi Lucie-Anne ? que nous avait-elle livré de ses mystères que nous nous aurions pu décoder pour éviter le pire ?
Nos larmes versées, nos poèmes dédiés, notre pacte de ne jamais nous séparer..pour elle ....qu'avons-nous oublié ?
La vie ne s'est pas arrétée pour nous. aujourd'hui, tu es loin Maryse.Tu manques à mon espace..non à mes pensées . Nos correspondances irrégulières ont cependant raison
du temps qui passe et entretient notre solide amitié. Notre jeunesse éclate encore dans nos lettres empreintes de nostalgie de notre histoire.
Ton rire résonne....dans les couloirs du lycée....les "flashs" portent à sourire : des cours de latin où nous excellions aux séances "mortelles" de maths avec cet espèce de somnifère en guise de prof.... et oui....c'est loin déjà ....mais si présent pourtant dans nos
tête !
Tu venais me chercher tous les soirs à 17h pour écouter "Salut les copains" ...sur les bancs de la Place Risler .... S.L.C.....salut les copains ! un air qui me revient souvent .Incollables... nous étions incollables sur la vie de nos idoles...
Nous possédions aussi l'art de nous moquer des gens...mais ce ne fut jamais avec méchanceté .
Que reste-t-il de ce temps-là ? le plaisir de te lire .....et celui de te répondre.
Que de nombreuses saisons nous laissent encore inlassablement évoquer ce qui fut cher à notre âme...
A présent, regardes la mer...perds ton regard sur l'eau moirée aux rayons de ton soleil,provençal...prends soin de toi, et n'oublies pas ....Lucie-Anne, toi, moi...
Affectueusement,
J.C alias kiannzo