Plume d'or Inscrit le: 5/3/2008 De: Tunisie Envois: 1238 |
Le monde, le mystère Au lecteur
As-tu parfois respiré ce parfum Qui sort du linceul, comme d’une fleur ancienne ? Et qui se répand, subtil et défunt, Dans l’immensité, coupe toujours pleine ?
Songes-tu à l’enfer, au précipice ? Oh ! Combien d’abîmes as-tu sondé ? Sur les tombeaux as-tu, loin de nos vices, Courbé ton front en hurlant : « répondez » ?
Rêves-tu de ces temps sereins et antiques Où l’homme par leurs noms appelait ses dieux, Où, dans les rivières lointaines et magiques, Les déesses reposaient leurs pieds radieux ?
Comme moi, as-tu erré, triste et songeur, Dans l’univers où tout recommence, Croyant ouïr les oiseaux et les fleurs Dire un mot inconnu et immense ?
Comme moi, as-tu aiguisé sur ton cœur La lame inexorable du doute ? Cherchas-tu, loin de ce monde vainqueur, Un asile dans la nuit qu’on redoute ?
Oh ! La vie, comme la mort, est un mystère Et l’on ne saura jamais où tout va ! La vérité au sourire austère N’apaise point le cœur de l’homme las !
Nos yeux sont couverts du bandeau fatal De la mortalité, de l’ignorance ; La sagesse, haute sur son piédestal, Ne souille point son œil avec nos souffrances,
Mais elle marche, radieuse dans nos hivers, En relevant le pan de sa robe, Pour que la fange de notre univers N’altère point la blancheur de son aube !
Partout des écueils ! Partout des abîmes ! Partout des nefs qui ne trouvent point le port ! La vie, qui nous aveugle, pour ses crimes Est châtiée par le glaive de la mort !
Ô, partout un foudre qui reluit Et tombe sur le monde qu’il étonne ; Partout un peuple content de sa nuit, Partout un roi fier de sa couronne !
Jadis, César dit : « Je suis Rome ! » « Je suis le monde ! » dit Napoléon ; César mourut comme meurt un homme, Napoléon s’éteignit comme un rayon !
Alexandre marchait, homme immense, La tête appesantie par les lauriers ; Il périt. Ses généraux en démence Rongèrent son rêve, vautours meurtriers !
Thésée, dompteur des monstres antiques Que nul assaillant n’osait assaillir, Promenait son regard sur son peuple en panique Qui croyait en voir la flamme jaillir,
Comme de la gueule d’un dragon furieux ! Le trépas l’emporta sur ses ailes ; Seul son nom demeure dans les cœurs curieux Pour les héros encore plein de zèle !
Achille, homme qui assiégea une ville Et qui vit tomber les larmes des rois, Malgré tant de gloire sont on chante l’idylle, Dort, foudre vivant, dans un tombeau froid !
Et Hercule, homme-dieu, fils de Jupiter Dont les bras puissants ont porté le monde, Repose, pâle, loin du radieux éther, Comme dans un sillon, dans la terre profonde !
Ô, malédiction au sceptre souverain ! Ô, perdition ! Tout est éphémère ! Rien ne demeure dans ce monde d’airain Fors l’illusion, immortelle et amère !
L’homme, marchant sans flambeau dans le néant, Va, interrogant la nuit et l’ombre, Et demande en vain à ses Sphinx géants De lui dire de ses jours le fatal nombre !
Ô, sombre question qui nous tourmente ! Doute qui mine les générations Avecque sa dent sanglante, Qui ronge nos rêves et nos passions !
Où allons-nous ? L’on ne sait. L’inconnu Déploie, devant nos yeux, ses vastes ailes Qui flambent, radieuses, dans nos sentiers nus Quand l’abîme souffle sur nos nacelles !
Mystère ! Quand la nuit couvre l’univers De son voile épais et invisible ; Quand tout ce qui était radieux et vert Devient ténébreux et impassible,
Quand tout autour de nous devient un gouffre, Insondable pour les yeux et l’esprit, J’entends le râle de tout ce qui souffre Et le murmure de tout ce qui sourit !
Penché sur la fleur et sur le ruisseau Et sur toute l’oublieuse nature, Je lis, patient, l’énigme du berceau Dans le livre des créatures ; Chaque mot radieux reluit comme une flamme Devant mes yeux par le verbe étonnés, Tout devient parfum, tout devient âme, Tout cesse de s’assombrir pour rayonner !
Oh ! La nature, houleuse ou sereine, Est le pan vert de la robe de Dieu, Qui montre sa grandeur souveraine Que l’on voit avec le cœur et les yeux,
C’est le port qui accueille nos nefs qui tremblent, Emportées par la houle de la cité ; Elle embellit ses jours qui se ressemblent Et de l’homme éclaire la cécité !
L’amour, comme une fleur, s’y épanouit Et la sagesse y laisse tomber son voile ; Elle cache les amoureux dans sa nuit Et pour les sages fait briller ses étoiles !
Tant d’énigmes qu bravent notre savoir Et qui nous tourmentent comme des houles, Se dévoilent dans son jour que ne peut voir L’œil ignorant et blême de la foule !
*Désolé, mes chers amis, pour la longueur de mon poème. Je compte sur votre clémence! Petite remarque: "Avecque" est un archaïsme, fréquent à l'époque classique.
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