Plume d'or Inscrit le: 5/3/2008 De: Tunisie Envois: 1238 |
Atlas et Aphrodite À une songeuse
Votre œil était hagard. Que rêviez-vous Déesse au front noble et au sourire doux ? Dites donc, aimable et charmante femme, Dont le sourire est le flambeau de ma flamme ; Dites-moi, quel songe étrange et divin Emporte à son blanc rivage lointain Votre esprit, comme sur les flots une nacelle ? Vos bras s’ouvrent parfois comme des ailes, Comme l’oiseau quand il vole, quand vous pensez À ce qui vit, à ce qui va trépasser, Au monde inconnu que cache une étoile Posée, comme sur un gouffre un radieux voile, Par Dieu lui-même, sur l’immense azur, Derrière lequel tout monde obscur Dans les ténèbres, rayonne peut-être ! Quand vous songez aux arrêts du Maître Qui, du sage parfois raillant la pâleur, Est terrible au bon et doux au pécheur, Et laisse tomber son aveugle tonnerre Sur les têtes pures qui le vénèrent Et épargne les têtes des méchants, Votre front, comme le soleil au couchant Qui tombe derrière la montagne, Pareil au guerrier dont le cœur saigne, S’obscurcit soudain. Et je vois ma nuit Sur ce front divin qui toujours reluit, Comme un fiel dans la liqueur, se répandre ! Tu m’écoutes alors sans m’entendre Bercée par cette voix qui chante en haut, Te parlant du cercueil, du berceau, La vie et la mort, ces deux abîmes ! Le rayon dangereux et sublime De l’idée, reluit dans ton œil rêveur, Comme sur la mer la lumineuse rumeur De l’aube, qui descend dans le monde ! Oh ! N’écoutez point cette voix qui gronde, Ne tombez point dans cet abîme ouvert ! Comme un oiseau, chantez dans les prés verts, Laissez la beauté poser sa couronne Sur votre tête joyeuse qui rayonne Et enivrez-vous, ô, mon pauvre enfant, Comme d’une liqueur, de l’amour triomphant ! De votre innocence gardez la robe blanche, Restez, doux oiseau, sur votre branche, D’où notre monde vous semble petit ; N’en descendez pas ! Pour vous est bâti Le ciel, comme pour les rois le trône ! Que votre regard, qui charme et pardonne, Demeure doux et puissant comme la mer ! Le temps qui passe, dans mon calice amer, A versé tout son fiel, hélas ! Ma vie Est une nef par les houles poursuivie ; Les rapides années, comme des vautours Dévorent, chaque nuit, la dépouille de mes jours, L’univers n’est plus, pour moi, qu’un lieu sombre Que la tristesse, avec ses ailes d’ombre, Couvre et laisse tomber, comme le drap d’une main Q’ouvrent les rayons joyeux du matin, Sur les verdures, ses plumes noires ! Le bonheur, éphémère comme la gloire, Aujourd’hui ne flatte plus mes souhaits ! Et mes jeunes années, où je riais, Me voient, chaque jour, au tombeau descendre, De tant de feu il reste un peu de cendre Et dans ma coupe il reste un peu de fiel ! Mes chimères volent, comme de fumées, au ciel Où, comme des eaux, elles s’évaporent ; Mille nuits ont assailli mon aurore Et blessé de leurs flèches mon cœur tremblant, Hélas ! Mon enfance au sourire blanc M’a fui, comme une amante infidèle ! Oh ! Mais vous, ma jeune et douce immortelle, Ne laissez point votre front s’obscurcir Et votre cœur à la joie s’endurcir ! Que tout se taise quand votre beauté parle Qui, comme une onde radieuse, déferle Sur le monde, où chaque port est un écueil ! Ce cette vie sombre oubliez le deuil ; Que tout pour vous soit joie et prière, De votre sourire que la blanche lumière Eclaire tout ce que le pied foule et l’œil voit ! Ô, ange candide, ne faites point comme moi ! N’allez point, l’œil rempli d’épouvante, Dans ces bois géants que la nuit tourmente, Errer, pareille à l’oiseau effaré, Dont le chant dans nos bruits s’est égaré ! Et ne tentez point l’énigme énorme De l’idée, masse confuse et informe, Invisible aux yeux comme à l’esprit ! À moi les soupirs ; à toi les souris ! Rayonne ! Et ne laisse point tes charmes Se mouiller, fût-ce d’une seule larme ! Toi pour qui une plume est un fardeau De mes faix n’appesantis point ton dos ; Laisse-moi être Atlas ; sois Aphrodite ! Que du chagrin l’épine maudite Ne croisse point sur ta paisible fleur ! Ne laisse pas tomber tes nobles pleurs Sur nos malédictions, sur nos misères ! Sois douce et contente-toi de plaire ; Mon cœur ne sera point las de t’aimer Et de chanter, content et alarmé, La chanson douce et l’hymne radieuse De ta beauté divine et lumineuse !
*Petite remarque: Je ne prétends nullement connaître le français plus que vous, mes chers amis, mais je tiens, quand bien même, à vous signaler que lorsque vous trouvez-et trouverez- dans l'un de mes poèmes les prépostitions: "à " à la place de "de" ,ou "de" à la place de "avec" (comme dans ce poème: "Et blessé [de] leurs flèches mon cœur tremblant"), il s'agit d'une tournure classique, héritée, bien évidemment du français du 17ème siècle, que je n'ai jamais cessé d'admirer. Le poème est déjà long, désolé de m'être appesanti sur ce point!
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