Plume d'or Inscrit le: 5/3/2008 De: Tunisie Envois: 1238 |
Amour et spleen Amour et spleen
Oh ! Aimons-nous ! Mon cœur, à la mer pareil, S’enivre des rayons de ton doux soleil Comme d’une liqueur sublime et pure ! Quand tu pleures, je vois les anges pleurer Et j’écoute, attentif, Dieu me murmurer Tout ce que tu me murmures !
Aimons-nous ! Car rien, ici-bas, ne demeure ; Tout ce qui rit aujourd’hui demain pleure Et l’homme tragique et incertain Comme une nacelle qu’emporte l’onde Monte sans cesse sur les flots qui grondent Dans la mer houleuse du destin !
De demain nul ne sait les lois obscures, L’homme sonde en vain les ténèbres futures Qui s’appesantissent sur ses yeux ; Et nos chemins d’un voile épais sont couverts ! La Vérité ferme se pétales ouverts Comme l’ange qui descend des cieux
Ploie, en rêvant, la flamme de ses ailes ! Nos chimères insensées nous remplissent de zèle Pour nous remplir de désespoir ! Avant que nos édifices ne tombent en ruine, L’on rêve d’amour, de gloire et de fortune, Soudain l’on se lève ; tout est noir !
Tel est l’arrêt de nos sombres destinées ! Comme des nefs à l’autan abandonnées De mer en mer, de port en port, Nous errons, sans jamais trouver le rivage, Et la Fatalité tourne les pages Du livre ouvert de notre sort !
Combien de jour nous reste-t-il à vivre ? Est-ce que la mort anéantit ou délivre ? Problèmes immenses ! Sombres questions ! Nos doutes sont plus nombreux qu nos certitudes, Hélas ! Vaines sont nos sages études Et vaines sont nos folles passions !
Ô, ma belle ! Que nous sommes misérables ! Nous nous coucherons sous la terre vénérable, Notre amour ne nous sauvera pas ! Quand nous aurons laissé ce monde sombre Nous quitterons la nuit pour aller à l’ombre, Nous irons où tout, un jour, va !
Comme des fleurs qui poussent au bord d’un abîme, Nos vies tombent, désespérées et sublimes, Dans le précipice commun ; Sans même qu’on en boive, on en vide les coupes Et elles sont pareilles aux roses que l’on coupe Sans qu’on en respire le parfum !
Aujourd’hui, la jeunesse berce notre amour ; Ces temps sont beaux –n’en doute pas – mais ils sont courts ! Ils s’écoulent comme un rêve ! Ils fuiront nos cœurs où plus rien ne fleurit, Comme les vagues d’une mer puissante, qui sourit Après avoir touché la grève !
Ils fuiront nos cœurs où plus rien ne pousse Et de leurs liqueurs enivrantes et douces Ne rempliront plus nos esprits ; Pour voir l’invisible ennemi qui nous assaille, Nous nous retournerons, comme dans la bataille Un vaillant par le dard surpris !
De a plaie de notre mourante jeunesse Le sang coulera, et toutes nos caresses, Tous nos baisers, tous nos souvenirs, Ne panseront point cette blessure profonde Qui inondera, comme le Déluge le monde, Notre passé et notre avenir !
Un jour, tu seras vieille et je serai vieux, La nuit viendra, nous nous mettrons près du feu, Moi, père aux cheveux blancs, toi, mère Au visage ridé et clair, et au doux front ; De nos cœurs qui ne flambent plus jailliront Des souvenirs doux et éphémères !
Nous parlerons peu ; nous rêverons beaucoup ; La jeunesse angélique laissera, pour nous, Peut-être, l’une de ses plumes Tomber dans notre foyer, et rayonner Comme rayonnerait un phare abandonné Dans une île que voile la brume !
Chaque jour qui passe, nous nous dirons adieux, Car quand la mort fermera l’un de nos yeux, Elle remplira l’autre de larmes ! Comme un oiseau plaintif, je te murmurerai : « Je t’aime ! » et tu me murmureras : « je t’aimerai ! » Et nos jours, fleurs qui se ferment,
Ne répandront plus leur parfum dans nos cœurs Où le Temps plongera son glaive vainqueur ! L’amour, comme une aurore lointaine, Eclairera, de ses rayons affaiblis, Ces temps ténébreux de vieillesse et d’oubli Dont la majesté est hautaine !
Un amour oublieux, vague et tourmenté, Sans chaleur et sans feu, comme notre santé Tremblant et près de s’éteindre ! Aux caresses nos corps maladifs roidiront, Comme le cœur d’un preux roidit à l’affront Et nos feux seront des cendres !
Ô, nostalgie ! Ô, azurs sans soleil ! Nul rêve ne bercera notre sommeil, Pareil à l’enfant qu’on oublie ! Nous regretterons chaque jour et chaque moment Où, heureux et sereins sous le firmament, Nous étions sans mélancolie !
Tu te souviendras de ces nuits étoilées Où nos âmes par l’amour étaient appelées À un doux rivage inconnu ; Où, pour apaiser le feu qui me brûle, Comme aux pieds d’Omphale le puissant Hercule, Je respirais ton parfum nu !
Oh ! Tu te souviendras de ces jours fleuris Où, joyeux, rêveurs et l’un de l’autre épris, Nous nous disions d’aimables choses ; Où, sous l’ombre des arbres, nous dormions, Où ton doux sourire semblait un rayon Et où ton front semblait une rose !
Ô, jours éphémères ! Souvenirs vains et beaux ! La joie allume son mystérieux flambeau, Qui n’éclaire point sa base ; Nul ne sondera les mystères du bonheur, Coupe remplie à moitié d’amère liqueur Et à moitié de douce extase !
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