On m’appelle le mendiant
À croire que je n’ai pas de nom
Les uns me font la charité
Pour alléger leurs péchés dans la balance
Les autres me traitent de va-nu-pieds
Comme s’ils sont affranchis de résipiscence
Alors ! A vous les sculpteurs
Qui êtes indifférents à mon malheur
Jusqu’à commettre le crime infâme
D’avoir gravé la souillure de mon âme
Ainsi que mon corps
Plus faible que fort
Dans des sculptures de pierre
En Ă©tant dans les salons de foire ĂŞtres fiers
De m’avoir érigé au même titre que les grands
Alors que je ne suis que mendiant
Alors que je ne suis que va-nu-pieds
Grâce à qui vous êtes devenus fortunés
Alors ! A vous les peintres d’art
Qui n’avez d’art que celui de votre regard
Rendez moi mes haillons
Qui sont mon plus bel ornement
Rendez moi mon bâton qui allège mon âme agonisante
Rendez moi ma barbe touffue et ma toison répugnante
Rendez moi ma vue ainsi que mes rides
Que vous comparez Ă une terre aride
Rendez moi tout ce qui est mien
Que le savoir faire de vos mains
Ă€ tort et non Ă juste raison
A enchaîné avec passion
Dans vos plus belles toiles
Faisant de vous de grandes Ă©toiles
Alors ! A vous les acteurs
Qui prétendez êtres la fine fleur
Et Ă qui je parais drĂ´le
Rendez moi mon rĂ´le
Que vous avez joué sans gêne
Et avec passion
Jusqu’à m’étonner moi même
De sa perfection
Jusqu’à émerveiller tout un publique
Du succès de ma réplique
Faisant de vous des idoles
Dans toutes les métropoles
Alors ! À vous les poètes
Qui prétendez êtres moins bêtes
Parce que rêveurs éveillés vous l’êtes
Rendez moi mon infirmité
Compagne fidèle de ma dignité
Et assurance de mes calamités
Rendez moi mes poux et ma crasse
Rendez moi mon gagne pain qu’est ma misère au quotidien
Rendez moi mes oripeaux qui sont ma paillasse
Rendez moi ma vie de chien
Que vous avez si bien agrémentés
A travers vos poèmes les plus mérités
Jusqu’à être de plume d’or gratifié
Lorsque de mendiant et va-nu-pieds vous m’aviez titré
On vous appelle mon père
A croire que vous n’avez pas de nom
Sommes nous donc frères
Engagés dans le même galion
Puisque où que l’on aillent
Vaille que vaille
On a nos propres ouailles
Les miens me font l’aumône
Pour que ma prière je la leur donne
Les vĂ´tres et vos nonnes
Se soumettent Ă la religion
Pour obtenir votre bénédiction
Notre but n’est t’il pas commun
Puisque nous combattons chaque jour le malin
En Ă©voquant Dieu et ses saints
Qui nous sont témoins
A nous qui ne nous reprochons rien
Qui n'avons aucun dĂ» d'aucun bien
Soit il de la valeur d’un grain
Envers un quelconque humain
Si telle est notre destinée
Nous n’avons qu’à nous en féliciter
A vous tous qui avez mendiés ma personne
Sans que ma permission je la donne
Sans m’avoir rendu mon dû
Lorsque assis au coin d’une rue
Je vous le réclame aimablement par la pitié
Et que vous détourniez votre chemin
Comme si vous aviez croisé le malin
Sachez qu’à mes yeux vous n’êtes que va-nu-pieds
Moralité
On est tous des mendiants
Seulement chacun a sa manière et sa façon.
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Celui qui éprouve du dégoût pour un arbre, ne doit pas profiter de son ombre.