À une beauté qui dort
Oh ! Réveille-toi, ma paresseuse charmante !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté,
Pareil au soupir d’un dieu qui sa lamente !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Le soleil s’est levé de son sombre sommeil,
L’aube a déjà embrassé l’aurore ;
Mais toi, ma douce, tu dors encore,
Et moi, poète hagard, j’attends ton blanc réveil !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Car ton réveil, c’est le réveil de mon âme !
Je sens de nouveau respirer mon cœur
Quand tu te lèves de ta blanche torpeur,
En rouvrant tes yeux pleins d’amour et de flamme !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Pourquoi te regarder dans ce limpide miroir,
Comme Narcisse dans la rivière ?
Toutes les beautés sont éphémères
La tienne est immortelle ! Mon cœur aime à la voir ;
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Mon cœur aime à la voir dans l’immense nature,
Fleurir sur terre et dans le firmament ;
Qui se répand de ton sourire dormant
Sur toutes les choses et sur toutes les créatures !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Quand tu te réveilleras, comme un enfant tremblant,
Du matin respire la douce rose ;
Que ton pied, qui sur la terre se pose,
Fasse reluire la terre verte comme le ciel blanc !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Bientôt, ton œil charmant comme une fleur s’ouvrira,
Pour remplir de ses rayons le monde !
Bientôt, déployant tes ailes profondes,
Sur l’univers ton doux parfum se répandra !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Tu ouvriras tes bras comme l’ange ses ailes
Et tu voleras dans le ciel lointain ;
Je te suivrai partout ! Car mon destin
Est d’être l’ombre de ta beauté immortelle !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Tu remueras doucement ta chevelure parfumée
D’où, comme la rosée tombe de la fleur,
Tombera une délicieuse et riche odeur,
Telle une larme d’amour, d’une paupière fermée !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Avec tes doigts, plus blancs que le drap de ton lit,
Tu caresseras ton front plein de lumière ;
Ta bouche à Dieu chantera une prière
Qui jaillira de ton cœur pur, d’amour rempli !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Tu diras au soleil : « C’est moi qui rayonne ;
Disparais ! » Et tu diras au jour clair :
« Jour radieux, en vain tu braves mes éclairs ! »
Et au ciel : « Tes bijoux reluisent sur ma couronne ! »
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Oh ! Tu es pareille, dans ton sommeil nonchalant,
À ces anciennes et douces princesses
Que réveille une amoureuse caresse,
Ou un divin baiser, gracieux et indolent !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Tes rêves ne dérangent point ton antique pudeur ;
Le Songe aux ailes d’or contemple tes charmes
Et parfois, sur ta main, verse une larme
Qui de ton corps si beau égale la blancheur !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
La nuit, qui pare ta beauté de son voile,
Veut, comme moi, te cacher à l’univers
Et aux regards impurs des mortels pervers,
Voyageurs égarés, cacher ton étoile !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Je veux, devant ce lit qui au repos t’invite,
Comme le prêtre devant son autel,
Louer ton charme doux et immortel,
Toi, âme paisible, moi, esprit qui médite !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Je veux, tandis que ton âme vole loin de la terre,
Chanter ton apothéose, et rêver
Au nouveau soleil qui va se lever
Dans un ciel inconnu, où brillera ton mystère !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Oh ! Tu sembles, paisible ainsi, rêveuse peut-être,
Un doux ange, dans la terre descendu,
Qui frappe, comme l’éclair inattendu,
Tout ce qui va mourir, tout ce qui vient de naître !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Parfois, un mouvement innocent, maladroit,
Que tu fais dans tes poses rêveuses,
Montre ta nudité lumineuse
Qu’une Vestale invisible vite cache avec effroi !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Parfois aussi, de ta bouche des mots mystérieux,
Comme le frémissement de l’aile d’un ange,
Jaillissent, comme un parfum étrange,
Et un rayon limpide se répand de tes yeux ;
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Un rayon amoureux, un rayon symbolique,
Et qui emplit tout l’espace profond !
Qu’un abîme lumineux et sans fond
Exhale de son pétale rouge et idyllique !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Le mystère couronne ta douce paresse,
Comme l’auréole d’un saint couronne le chef.
Quand le rêve t’emporte sur sa nef
Loin de nos précipices et de nos détresses,
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Tu fuis notre univers où tout est si sombre,
Et ton âme vole à l’éden parfumé
Où Ève, comme toi, jadis s’endormait
Sous l’arbre vert qui la couvrait de son ombre ;
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Nul fruit vermeil n’y tente ta sublime vertu,
Nul serpent, ourdissant sa vengeance,
N’y séduit ta divine intelligence ;
Mais moi je veux que, comme nos aïeux déchus,
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
À ce monde éphémère ta grâce descende
Pour te dire ma flamme et mes ennuis,
La tristesse de mes jours et de mes nuits,
Mes soupirs, que jamais les cieux n’entendent,
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !
Et de ton amour qui m’embrase le doux feu !
Descend donc, et réveille-toi, ma belle,
À mes doux vœux ne soit point rebelle,
Réveille-toi, ma déesse, que je te parle un peu !
Sous ta fenêtre écoute l’oiseau chanter
Et de ma lyre écoute l’hymne enchanté !