LE LAC BLANC…
Le Lac blanc laiteux allait se fondre dans l’univers des brumes sans horizon, quelque part dans l’infini. Là , ses mystères, ses possibles, ses retenues, ses « tout ou rien », suggéraient d’impudiques questions. Pouvais-je soulever, sans commettre d’outrage, ce voile annihilant autant qu’il délivrait le tumulte des songes ? Au flot de paroles, s’imposaient celles des flots contenus sous leur chape d’écaille.
J’entendais, se joignant aux miennes, les plaintes abyssales de sirènes enchaînées. Ne crée-t-on l’enfer à rejoindre la profondeur des choses ? Je suppliais le grand océan des cieux se mirant dans ses eaux, et j’atteignais une autre dimension au coeur du cœur de l’absolu ; j’en ressentais autant d’effroi que d’allégresse. J’étais.
Mais qu’aurais-je été si, prenant du recul, je n’étais plus que moi : moi-même sans l’ombre d’un doute ? Un trait d’encre de Chine, inscrit à contre- jour dans le silence blafard et saisissant. Saisissant de beauté. Beauté glacée sur le temps immobile. Interrompu. Espace, miroir de soi, à l’âme offert.
Offrande inestimable, incommensurable, incontestable, gratuite ; une idée asexuée, cependant si séduisante, entretenant ce dialogue singulier en mille scintillements dans les reflets de l’eau au rendez-vous de l’émerveillement en soi. Sans l’ombre d’un doute…
Rejoindre le cygne dans sa méditation, prendre appui sur ses ailes d’une blancheur immaculée. Et saisir en ces lieux l’immanence des choses au- delà des apparences trompeuses. Peut-être !Et alors ?
En secret, le grand lac berçait des incertitudes récurrentes. Je savais qu’en lui comme en moi, pouvait naître ce désir de ravir l’ardeur ensoleillée du couchant ; une fissure étrange venant rompre le jour ; le baiser de la nuit appelant la tendresse ; l’une et l’autre s’épousant avant de s’effacer longtemps. Alors, je priais. J’aspirais au divin dont je fus l’essence. Je pensais à l’absence. J’attendais !
Pierre WATTEBLED – le 24 décembre 2007
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