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     L'ARBRE
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Expéditeur Conversation
palmito
Envoyé le :  26/9/2007 19:09
Plume d'or
Inscrit le: 22/12/2007
De: Paimpol en CĂ´tes d'Armor
Envois: 1191
L'ARBRE
L’ARBRE


Un arbre gigantesque déployait ses branches à hauteur du silence, au-dessus des nuages et au-delà des rêves les plus fous de l’intrépide Icare.
Cet arbre avait tellement grandi qu’il aurait pu froisser les fines ailes des oiseaux géants qui suivaient la course du soleil à travers l’Atlantique.

Ces oiseaux-là étaient les fiers descendants du célèbre « Concorde » que l’on pouvait encore admirer dans un musée à côté du « Blériot ». Ils déposaient sous l’immense coupole de verre bleuté de l’aéroport intercontinental et interplanétaire du Nevada des flots de voyageurs. La plupart étaient de riches retraités qui prenaient encore un peu de plaisir à faire du tourisme en suivant les flèches d’un parcours imposé. Un vrai petit paradis artificiel avait été recréé. Tout y était faux et baignait dans un air climatisé et suavement parfumé : musique douce et relaxante, chants d’oiseaux, bruits de sources, de cascades, de vagues et sirènes de navires !
Par une facétie du hasard ou un étrange raccourci de l’histoire cet aéroport occupait dans le désert du Nevada le site de l’ancienne et très secrète base aérienne de Nillis qui avait fasciné tant d’ufologues crédules. Son personnel technique, tout de blanc vêtu et ganté, n’était-il pas « harnaché » comme une équipe de cosmonautes prête à partir en mission ?

Après avoir satisfait à toute une série de contrôles entièrement robotisés ces oiseaux blancs de la grande banlieue terrestre rejoignaient leur grande base de Picardie en Europe.
Cette petite région n’avait rien de comparable à l’environnement vaste et hostile du désert. C’était le « plateau picard » couvert autrefois de riches terres agricoles, peu à peu abandonnées, au fur et à mesure que les rendements élevés des cultures épuisaient les sols.
Certes, les installations de la base étaient devenues très vétustes, mais il était hors de question de les remplacer avant une dizaine d’années.


Ce délai paraissait anormalement long. D’ici là, pensait-on, une nouvelle génération d’avions aura certainement été mise au point et l’on pourra alors réaliser des infrastructures modernes et parfaitement adaptées aux exigences nouvelles du tourisme.
D’autres moyens de transport maritimes et terrestres utilisant de nouveaux modes de propulsion étaient-il à l’étude ?
La langue de bois des porte-parole officiels et des milieux dits « bien informés » n’y faisait aucune allusion.
Si un projet révolutionnaire devait voir le jour dans un proche avenir, les bureaux d’études spécialisés et le C.E.C.E.S. (Centre Européen de Coordination des Etudes Spatiales) ne laissaient filtrer aucune information. Le secret, si secret il y avait, semblait donc soigneusement gardé.
L’avenir de toute une région était en jeu. L’incertitude et le doute commençaient à gagner les esprits. Les uns contestaient la validité d’un tel projet. Les autres, moins pragmatiques, attendaient beaucoup des nouvelles technologies sans en mesurer toutes les conséquences sur leur vie quotidienne..
Le train rapide glissant furtivement à 400 kilomètres à l’heure n’avait-il pas détrôné l’avion entre les grandes villes européennes au début du siècle dernier en 2008 ?
La province de France n’était-elle pas depuis longtemps pionnière en ce domaine ?

En réalité, l’affaire n’était pas aussi simple qu’on aurait pu l’imaginer. Il ne s’agissait pas uniquement de financement, de protection de l’environnement et de moyens de transport plus ou moins rapides.
Il s’agissait aussi de l’ARBRE, de tout ce qui en dépendait et allait en dépendre et que l’on ne soupçonnait même pas.
L’Arbre était toujours là et ne cessait de grandir ! On ne pouvait pas l’oublier puisqu’on ne voyait que lui. Il était devenu omniprésent et omnipotent. Il envahissait tous les sujets de conversation. Quand on ne parlait pas de la pluie et du beau temps, on parlait de l’Arbre !
Bref, il poursuivait imperturbablement sa croissance alors que tous ses congénères de la même espèce et du même âge mouraient de vieillesse.


Dans certaines zones interdites de l’ancienne forêt de Compiègne transformée en arboretum on étudiait – comble d’ironie – tous les phénomènes liés à la lente agonie et au lent processus de décomposition de ces arbres-là.
Certains chercheurs étaient même venus du Nevada pour étudier l’évolution parallèle de tout un microcosme animal et végétal méconnu ou ignoré. Leur visite n’avait rien de fortuit car c’était eux qui avaient réussi à faire pousser des légumes dans le désert. On prétendait que d’autres chercheurs s’intéressaient à l’Arbre tout seul, pour lui-même, par pure curiosité scientifique. Il fallait bien élucider le mystère de sa croissance phénoménale et savoir à quelles manipulations génétiques incontrôlées on avait bien pu se livrer. Les spécialistes des OGM ou « transgénéticiens » s’étaient-ils permis de jouer les apprentis sorciers alors qu’on criait au sacrilège chaque fois qu’une nouvelle culture disparaissait, victime de plantes prédatrices insensibles à tous les pesticides, désherbants et défoliants possibles ?

Autrement dit, il fallait bien, dans l’intérêt supérieur de la science, découvrir la vérité en brisant les vieux tabous.
Malheureusement, pour l’immense majorité des profanes, des naïfs et des éternels mécontents, toute vérité officiellement déclarée était comme entachée de suspicion. Elle cachait toujours on ne sait quelle « autre chose » sournoise ou trompeuse.
Les autorités locales et les représentants des pouvoirs publics, soutenus par l’ensemble de la communauté scientifique, avaient pourtant consulté les plus hautes instances administratives et judiciaires européennes. Tous souhaitaient calmer le jeu en faisant admettre la thèse d’une erreur de manipulation des plus fortuites. Une erreur qui, malgré son côté spectaculaire, n’avait aucune conséquence grave et irréversible sur l’environnement local.
D’ailleurs, pour s’en convaincre, il suffisait d’écouter la dernière déclaration officielle relayée et reprise en refrain par les médias : « Toutes les mesures urgentes et nécessaires ont été prises, et les moyens disponibles les plus puissants ont été immédiatement mis en œuvre pour éviter qu’une telle situation puisse un jour se reproduire. »


Une seule voix discordante s’était élevée d’un groupe d’écologistes américains. Rappelez-vous : c’était eux qui faisaient pousser des navets parmi les cactus en plein désert ; c’était eux qui avaient tardivement pris conscience de l’extrême gravité des problèmes de pollution planétaire et de l’urgence des mesures à prendre et qui, maintenant, jouaient aux gendarmes verts du vieux continent. C’était à l’époque de la domination des groupes industriels et financiers géants, à échelle surhumaine, qui imposaient certains choix !
Ne nous vexons pas : il valait cent fois mieux exporter quelques critiques de mauvaise foi que des conflits armés loin de chez soi. Car ils risquaient de s’étendre comme un feu de brousse et d’embraser les confédérations africaines qui faisaient encore obstacle à la « mondialisation. »

Après toutes ces paroles rassurantes, les esprits s’étaient peu à peu calmés. L’avenir pouvait donc être envisagé avec sérénité.
On savait aussi que la guerre du train, de l’avion ou de tout autre moyen de transport utilisant un nouveau mode de propulsion n’aurait pas lieu.
La question ne se posait même plus. L’embargo du secret était levé !
Le projet « révolutionnaire » était mort avant même de voir le jour sur notre plateau picard.
La grande découverte était touristique et offrait un spectacle à vous couper le souffle. Le désert du Nevada qui, pendant un siècle avait fait l’objet des soins les plus attentifs, avait perdu ses charmes. Notre petit plateau picard, lui, dans la vieille Europe, assoiffait les touristes de curiosité.

Les touristes affluaient des quatre coins du monde pour se rendre, comme à un pèlerinage, au spectacle unique de « l’Arbre paysage ».
Sa taille inimaginable imposait le respect.
Ce qui frappait d’abord, c’était le silence de la foule ponctué de cris d’admiration ou d’étonnement. Les gens se dévisageaient les uns les autres pour être certains que ce qu’ils lisaient sur les visages était bien le reflet de ce qu’ils ressentaient eux-mêmes. Comme pour s’assurer qu’ils ne rêvaient pas ou n’étaient pas seuls à rêver !
Le bruissement de sa frondaison, auquel se mêlaient les cris et les chants d’une nuée d’oiseaux multicolores, résumait celui d’une forêt tout entière.
A son pied, l’ombre et la fraîcheur étaient celles d’une immense cathédrale dans laquelle les vibrations d’un puissant jeu d’orgues s’emparaient de tout votre être.
Son tronc était si démesuré que toute la foule rassemblée et se tenant par les mains pour faire une ronde ou danser une farandole n’avait jamais réussi à en faire le tour !
L’aspect le plus impressionnant du spectacle, vu du ciel, était celui qu’offrait le matin l’ombre fantastique de ce tronc. Une ombre qui traversait les terres, puis s’étendait et s’élargissait au-dessus de la mer, en dessinant une immense voilure tournante, une sorte de moulin à brasser les nuages. A son passage, aussi rapide que celui d’un cheval au galop, une brise fraîche se levait et les oiseaux se taisaient. Le soir cette ombre irisée et ondoyante aux franges violacées envahissait les collines dorées de Picardie avant de sombrer dans un fleuve d’écume d’or.

A quel prix l’Arbre pouvait-il poursuivre sa croissance insensée et nous faire croire plus longtemps au mythe d’une éternelle jeunesse ?
Au prix de l’aveuglement des hommes prêts à tout sacrifier pour contempler le spectacle unique au moins une fois dans leur vie. Et cet aveuglement trouvait sa justification dans la force et la raison d’une prétendue « majorité » : la loi du plus fort en quelque sorte.
Parmi les foules de touristes, certains se réjouissaient de la revanche que la nature avait prise sur les hommes qui croyaient aux pouvoirs sans bornes de la science.
D’autres pensaient tout simplement que le spectacle permanent et gratuit pouvait se poursuivre tant qu’il y aurait des hommes pour l’applaudir, sans trop se poser de questions.
Une petite minorité commençait à s’inquiéter : que se passera-t-il si la croissance de l’Arbre ne peut être interrompue, si la science se révèle impuissante à maîtriser la force phénoménale qu’elle avait engendrée ?



C’est alors que le président des provinces européennes, à la demande expresse de la France, fit appel au Conseil des sages, instance suprême capable en dernier recours de prendre et de faire appliquer rapidement ses décisions.
Le conseil des sages ne se réunissait que dans des circonstances exceptionnelles. Malgré la gravité de la situation et l’urgence d’une solution, les réunions du Conseil des sages ne s’improvisaient pas du jour au lendemain. Il fallait attendre au préalable les conclusions, avis et recommandations des différentes commissions techniques ad hoc avant de prendre la moindre décision.
Tout cela, même avec la meilleure volonté, prenait du temps, beaucoup de temps, peut-être trop de temps…car l’Arbre, lui, n’attendait personne et son développement avait entraîné des conséquences dramatiques, au point de faire fuir les derniers touristes incrédules. Ses effets pervers sur l’environnement devenaient de jour en jour de plus en plus catastrophiques. La situation s’était tellement dégradée qu’on n’hésitait plus à parler de « catastrophe écologique mondiale d’une ampleur exceptionnelle ».
Les réunions du conseil des sages s’éternisaient. Personne n’écoutait plus personne et chacun voulait refaire le monde avec des « si… » et des « mais… » en rejetant les responsabilités sur les hommes politiques qui nous gouvernent. Hélas, il n’y avait plus de vérité à croire ou à ne pas croire. Il ne restait plus que l’Action et les Moyens dérisoires dont on disposait pour faire face au sauve-qui-peut des populations européennes saisies de panique.
L’Arbre avait rapidement bouleversé le climat de l’Europe entière par l’inversion des masses thermiques au-dessus du continent et d’une grande partie de ses mers et océans.
Il en résultait des températures extrêmes, des ouragans violents et tourbillonnants, arrachant tout sur leur passage, une alternance imprévisible de périodes de sécheresse et de pluies diluviennes interdisant toute activité humaine.
La désertification du sol s’étendait sur un rayon couvrant la totalité du territoire français et gagnait sans cesse du terrain.



La population qui n’avait pas réussi à s’enfuir s’était réfugiée dans des abris souterrains aménagés à la hâte dans les racines les plus accessibles de l’Arbre.
Les derniers survivants avaient escaladé le tronc dans l’ultime espoir d’y creuser des galeries.
Les moins chanceux qui n’avaient pas trouvé de place s’étaient accrochés aux premières branches du bas.

Privés de nourriture et victimes de la chaleur, du froid, du dessèchement entraîné par le vent, les hommes tombaient morts par grappes entières ou se jetaient dans le vide par désespoir, sans qu’aucun silence ne puisse accueillir leurs cris, sans qu’aucune terre ne puisse servir de sépulture à leurs corps meurtris.



Krisfi




----------------
Toutes les choses ont leur mystère, et la poésie, c'est le mystère des choses !

(Frederico GARCĂŤA LORCA)

anonyme
Envoyé le :  27/9/2007 5:50
Re: L'ARBRE
Un texte tres intéressant et qui fait met en avant les soucies de
l environnement !

Sandrine
Honore
Envoyé le :  5/10/2007 17:26
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: L'ARBRE
De la science fiction au suspense très bien amené pour une histoire particulièrement moralisatrice.
HONORE
palmito
Envoyé le :  15/10/2007 1:05
Plume d'or
Inscrit le: 22/12/2007
De: Paimpol en CĂ´tes d'Armor
Envois: 1191
Re: L'ARBRE
Merci à vous, Brabantia et Honore de votre visite et d'avoir eu la patience et persévérance de lire ce texte un peu long.
Mais...je ferai plus court la prochaine fois.

Amitiés,

Krisfi


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(Frederico GARCĂŤA LORCA)

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