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LA CLEF – LE BOUT DU CHEMIN
Au cours de mes errances, je reste attentif à la conduite, mais absent de moi-même, l’esprit en roue libre, avec l’illusion de ne penser à rien. La preuve : ce soir je me suis retrouvé à cinq heures sur la RN 117 à hauteur de Carbonne ; il m’est venu l’envie de rejoindre le Carla, voir le soleil se coucher sur les montagnes.
J’ai pris la bretelle qui va bien, passé la ville, direction Rieux puis Montesquieu-Volvestre. Après, après j’ai dû me tromper et atterri au milieu de nulle part par des chemins tout juste goudronnés et pas très larges. On saute d’un vallon à l’autre. De rares fermes blotties sur les pentes sud ; des champs cultivés. Pas vraiment fâché ni inquiet. J’ai tout mon temps. Je finirai bien par trouver un panneau de signalisation ou un hameau quelconque qui me remettront sur le bon chemin.
Et j’ai trouvé ! Pas la route du Carla. Au sommet de la cote, c’est une image bien connue qui apparaît, magnifiée par la lumière dorée de cette fin d’après-midi.
Sidéré, j’ai stoppé sur la route. De toute façons je n’ai pas croisé grand’monde et on peut voir venir. Je crois encore rêver : c’est pourtant exactement le lieu de ma hantise ; les grilles, le portail et les piliers surmontés de grosses pignes en terre cuite ; le haut mur d’enceinte bâti en galets bien rangés sur des alignements de briques rouges, comme on fait par ici. Le parc touffu ou plutôt la forêt, d’où émerge le sommet de deux tours d’angle. La façade entrevue loin derrière les grilles. Et à gauche, les cèdres et la poterne. Et plein d’autres détails hors de ma vue que j’ai la certitude de découvrir conformes…
Je frissonne, l’esprit vide. Puis vient un soulagement, une intense jubilation : non je ne suis pas fou .Comment donc expliquer la prescience ou le souvenir de cet endroit. Finalement, notre ami bouddhiste de Carla-Bayle ne serait pas si farfelu que ça ? En attendant, je suis fasciné, il me semble entendre un appel, tout comme dans mes délires nocturnes. Je ne résiste pas, autant exorciser mes démons. Peut-être des réponses à toutes mes interrogations ?
Au début du chemin de terre, un petit panneau de bois fléché indique « PEYRELADE ». J’ai laissé ma voiture près de la grille, dédaigné le portail ; d’ailleurs je le savais, une chaîne cadenassé en condamne l’ouverture. Non, je suis le cours de mon rêve : à gauche, le sentier et la poterne, c’est là que je dois aller.
Oui, le bois est si sec que ses fibres forment un relief noueux. Oui, le judas est condamné. Mais la poignée, bon dieu ! La serrure est toute neuve, en acier brossé, et ça, je ne l’avais pas vu ! J’actionne le mécanisme dans un état second. L’huis fonctionne sans bruit et je pousse la porte.
Une injonction muette m’incite à refermer. J’avance dans l’allée à peine visible tant la nature a pris ses droits. Au bout, une terrasse délimitée par des balustres et deux énormes jarres de terre cuite. La façade de la grande maison est colonisée par les glycines. Les fenêtres fermées de volets gris abîmés par les ans, de part et d’autre d’une entrée, ouverte, elle. Une silhouette se dessine dans la pénombre, adossée au chambranle. Une voix :
- Eh bien, tu en as mis du temps !Â
Suspense, suspense....
A suivre
Parceval