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     LA LUMIERE DE VIE -5 - Retour Ă  la vie
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Expéditeur Conversation
Chibani
Envoyé le :  30/10/2023 9:41
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12086
LA LUMIERE DE VIE -5 - Retour Ă  la vie



Retour Ă  la vie


Le lendemain matin, Astrid était à nouveau au chevet de Jérôme. S’il avait pu voir combien son regard était chargé d’amour, aucune thérapie n’aurait été plus efficace mais, muette pour une fois, elle se posait la question de savoir si elle devait lui parler de sa visite de la veille. Elle jugea que le moment n’était pas opportun parce que cela risquait de le bouleverser dans son inconscient. Elle choisit plutôt de lui parler de sa petite lampe.
- Tiens mon chéri, regardes, je te l’ai amené aujourd’hui. Tu vois, elle n’a pas souffert. Même pas une éraflure.

Astrid espérait, comme l’avant-veille, lorsqu’elle avait évoqué le nom de La Roche-Posay, que cela provoquerait une réaction mais aucune pression dans la main de Jérôme, qu’elle avait posé sur la sienne, ne vint relever son message.
- Attends, je vais te la donner.
Cela faisait partie des moyens psychologiques qu’on lui avait enseignés. Provoquer par tous moyens le réveil en douceur des personnes survivant dans le coma.
La lampe reposait dans la main largement ouverte de Jérôme sans qu’il ait le moindre mouvement. Ses yeux étaient aussi clos que pouvait l’être le boîtier à la pile déchargée. Pas la moindre lueur. Astrid l’avait espéré mais rien ne s’était produit. Tout n’est que question de patience et de persévérance se dit-elle et de la persévérance elle en avait, c’était indéniable.

Astrid consacra l’après-midi suivante à visiter Châtellerault pour trouver en longeant les rives de la Creuse, un dérivatif aux problèmes qui l’accablaient depuis presque un mois.
Sa promenade, loin des contraintes dues à la proximité obligatoire de l’hôpital, lui apporta un réconfort salutaire. Maurice avait raison, tiens elle venait de l’appeler par son prénom comme au bon vieux temps, la vie n’était pas finie, tout pouvait recommencer.
Les yeux perdus dans la rivière ondoyante, elle se fit un cinéma où dans le jardin de son grand-père, maintenant leur propriété depuis que la vente s’était effectuée, elle promenait Jérôme dans son fauteuil de convalescent, l’amenant jusqu’à la petite plage d’où elle plongerait à nouveau dans l’eau fraîche de la Creuse.

La cloche de la cathédrale tinta cinq fois, cinq coups qui la tirèrent de sa rêverie. A regret, elle reprit le chemin de l’hôpital, s’arrêtant au passage sur telle ou telle vitrine qu’elle regardait sans en discerner réellement l’étalage. La quincaillerie centrale, cependant, appelait par son bric-à-brac une attention plus soutenue et Astrid, tel un insecte attiré par la lumière, laissait son regard suivre l’éclat des cuivres sous l’action du soleil déclinant quand, ses yeux se fixèrent sur le présentoir des piles électriques.
Puisque que pour le moment, elle ne pouvait redonner une existence à Jérôme, pourquoi en priver la petite lampe à laquelle ils devaient beaucoup tous les deux. Sans plus réfléchir, elle pénétra dans la boutique et acheta un pack de deux piles alcalines de 4,5 volts.

Avait-elle encore le temps d’aller voir Jérôme ce soir, elle le crût ou tout du moins n’en sollicita pas l’autorisation. Il est vrai qu’on s’était habitué à sa présence, elle se fondait si bien dans l’environnement que certains croyaient qu’elle faisait partie du personnel.
Jérôme était toujours dans sa position favorite ; il n’en avait malheureusement pas le choix. Couché sur le dos, la tête légèrement relevée par un oreiller, les deux bras allongés le long du corps, il semblait dormir, le visage plus reposé que la première fois qu’elle avait eu l’autorisation de venir le voir.
- Coucou, mon chéri. Je suis de retour. Tu vois, je ne t’ai pas oublié. Regarde ! Bizarre cette expression envers quelqu’un qui demeure les yeux clos, bizarre, quoique en y réfléchissant, les aveugles eux-mêmes l’utilisent… regarde, Jérôme, j’ai acheté deux piles pour ta lampe. On va la faire briller comme avant…. Elle se retint de justesse pour ne pas dire l’accident.

Le remplacement de la pile usagée n’était pas difficile. Tout juste faire attention à ce que les plots soient bien en contact, c’était ce que disait Jérôme chaque fois. Le couvercle maintenant fixé par le crochet rabattu sur le boitier enserrait la nouvelle pile comme une poitrine autour d’un cœur greffé. Il ne restait plus qu’à pousser le petit bouton pour la mettre en contact.
- Tiens JĂ©rĂ´me, dit Astrid, on va le faire tous les deux.
Elle posa délicatement la lampe dans la paume de Jérôme, ramena son index vers la pression et appuya avec le sien en même temps. Un rayon lumineux traversa la pièce pour se ficher au plafond.
- Tu vois, elle vit, dit-elle en relevant son regard vers le visage de JĂ©rĂ´me.
Elle faillit crier de surprise. Jérôme, les yeux grands ouverts, la fixait avec étonnement, comme on regarde quelqu’un qui vous semble connu mais dont on ne se souvient, ni où, ni quand, on l’a déjà rencontré.
- Jérôme mon chéri, dit-elle d’une voix étranglée par les larmes qui lui montait aux yeux, enfin te voilà, que je suis heureuse.
Immédiatement, elle appuya sur la sonnerie d’alarme pour signaler le fait, et moins d’une minute plus tard, qui lui avait paru être un siècle, la porte de la chambre s’ouvrait livrant passage à l’infirmière suivi du chirurgien.
- Regardez Docteur, il a ouvert les yeux. C’est formidable.
Si elle ne s’était pas retenue, Astrid aurait sauté sur place.
- En voilà une bonne nouvelle. Je ne l’attendais pas de sitôt. Par quel miracle avez-vous opéré pour obtenir ce résultat.
- Vous n’allez pas le croire, Docteur. En lui faisant allumer sa lampe électrique qu’il traîne comme un boubou depuis qu’il est môme.
- Hum, hum, original, mais vous pouvez l’éteindre maintenant avant qu’elle ne m’aveugle un peu plus et pendant que vous y êtes, allez donc faire un tour dans le couloir que j’examine notre ami en toute quiétude.

Astrid sortie, le chirurgien se pencha sur le visage de Jérôme afin qu’il ne soit captivé que par son propre regard et rien d’autre.
- Jérôme, vous m’entendez maintenant ?
Aucune réaction. Le docteur promenait son index tendu en l’air à vingt centimètres de Jérôme cherchant dans ce mouvement s’il le suivait des yeux.
- Test positif dit-il à l’intention de l’infirmière. Voyons si vous me comprenez. Si vous ne pouvez pas répondre, clignez les yeux une fois pour oui, deux fois pour non. O.K.
JĂ©rĂ´me cligna une seule fois.
- Très, très bien. Vous ne voulez pas me parler alors ?
JĂ©rĂ´me resta un instant Ă  fixer son interlocuteur puis successivement il cligna une fois, puis deux fois, puis une fois et encore deux fois.
Le chirurgien Ă©clata de rire avant de dire :
- O.K. reçu cinq sur cinq. A question mal posée, réponse idoine. Vous avez de l’esprit mon ami. Ce sera tout pour ce soir, on ne va pas vous fatiguer. Voulez-vous rester seul ?
Jérôme acquiesça d’un seul clignement.

Le docteur et son infirmière sortirent de la chambre en fermant la lumière du plafonnier. Seule une petite veilleuse au-dessus de la porte assurait encore un semblant de vie là où effectivement elle venait de renaître.
- Mademoiselle Astrid, il l’appelait par son prénom maintenant comme pour toutes ses infirmières, notre malade est dans une très bonne voie. Apparemment le cerveau n’est pas affecté, la vision non plus, il comprend, il entend mais il a juste un petit problème de diction que nous étudierons demain. Pour ce soir, il vaut mieux le laisser tout seul. Je sais que ce n’est pas votre vœu mais je vous le recommande. Il faut qu’il digère ses trente jours de vie buissonnière. Si vous le voulez, demain matin vous allez m’assister, cela soulagera mon personnel.
Astrid n’en attendait pas plus.

La nuit avait été courte pour Astrid. D’abord elle avait eu du mal à s’endormir et lorsqu’elle le put, ce fut d’un sommeil agité qui ne lui avait pas apporté le repos qu’elle espérait.
A cinq heures, elle était réveillée, coincée dans sa minuscule chambre, prisonnière de son silence pour ne pas réveiller ses voisines de cellule. « Jérôme, Jérôme s’est réveillé ». Cela claquait dans sa tête comme une oriflamme sous un vent d’autan.
Elle avait beau regarder sa petite pendule de voyage, les minutes n’en avançaient pas plus vite pour autant. Elle avait rendez-vous à sept heures avec le chirurgien. Deux heures encore à tenir, deux heures de souffrance qui n’étaient pourtant rien en rapport de celles qu’elle avait enduré lors de l’accident. Mais que celles-ci étaient pénibles.

A six heures quarante-cinq, n’en pouvant plus, elle était déjà dans le couloir à attendre le chirurgien. Ce dernier n’était pas avare de son temps, il arrivait plus souvent en avance qu’en retard et il surprit Astrid faisant les cent pas dans l’interminable couloir de son service.
- Bigre, vous êtes déjà là, lui dit-il en matière de bonjour. Avez-vous déjeuné au moins ?
- Pas eu le temps. Je suis trop angoissée pour avaler quoi que ce soit.
- Bon, on va remettre tout ça en place et la prenant familièrement par le bras, il l’entraîna jusqu’aux cuisines où il avait l’habitude de prendre son café tous les matins.
- Bonjour Docteur. Nous avons une nouvelle collègue ce matin ?
- Peut être ou peut être pas. Si elle le veut, elle peut venir travailler dans mon service. En attendant plutôt que de me faire parler et perdre mon temps, donnez-nous donc Louis, deux bons cafés.
- Vos désirs seront toujours des ordres. Il vaut mieux que je vous soigne que le contraire, pas vrai, Docteur !
- Dites donc Louis, il va falloir changer de répertoire. C’est tous les matins la même rengaine. Etonnez-moi donc demain.

Cet échange verbal, bonhomme, avait détendu Astrid. Elle n’était plus la visiteuse angoissée qui attendait dans le couloir, elle était redevenue l’infirmière maîtresse de ses sentiments et de ses émotions.


Les yeux grands ouverts, Jérôme suivait leur progression vers son lit aussi attentivement qu’eux épiaient son comportement.
- Ah, d’après ce que je vois, il y a du progrès. La nuit vous a été bénéfique on dirait. On va parler aujourd’hui ?
Jérôme cligna une fois des yeux. Pour le chirurgien c’était un excellent signe, Jérôme se souvenait de ce qu’il lui avait demandé la veille. Si tous les comateux pouvaient avoir la même faculté, mon métier serait bien plus facile se dit-il en lui-même.
- J’ai une nouvelle infirmière aujourd’hui, en désignant Astrid qui s’était mise en retrait derrière lui comme elle le faisait quand elle était en service dans l’attente des directives de son Patron de Bretonneau. Est-ce que vous l’avez déjà vu ?
Jérôme fixait sur Astrid un regard qui semblait vide de toute expression puis, au bout de quelques secondes qu’elle eut bien du mal à supporter, il se modifia en un muet entretien dont elle n’arrivait pas à saisir la signification. Le seul clignement de paupières qui termina ce dialogue sans paroles faillit la faire se précipiter vers lui si, par un geste discret, le chirurgien ne l’avait empêchée.
- Bien très bien. Vous la connaissez depuis longtemps ?
JĂ©rĂ´me cligna deux fois.
- Cela peut-il dire que vous l’avez vu seulement ici ?
Un seul clignement de paupières répondit à cette question.
- Quand ? Hier soir ?
Jérôme acquiesça.

Astrid dans son for intérieur ne pouvait admettre qu’il ne put se rappeler de leur merveilleuse rencontre, ni des splendides moments qu’ils avaient vécu ensemble. C’était impossible, pas Jérôme, surtout pas lui.
Le chirurgien, à son tour s’étant mis lui aussi en retrait, observait ces deux êtres continuer leur mystérieux échange visuel. Son métier lui avait procuré une expérience que beaucoup auraient aimé posséder mais malgré cette connaissance, il n’avait jamais vécu un tel moment. Il avait préparé l’entretien à l’insu d’Astrid et maintenant celle-ci le dépassait. Cette fille à un pouvoir qu’elle ignore certainement, se dit-il. Si je pouvais la persuader de rester avec moi, je crois que nous ferions une équipe de tout premier ordre.

Ce fut Astrid qui, la première, rompit le contact. Ces quelques minutes avaient épuisé ses batteries déjà mises à mal par les évènements précédents et bien que son envie lui demande de poursuivre, sa sagesse lui conseillait de prendre un peu de recul pour ne pas craquer. Surtout pas craquer, pas devant Jérôme, pas devant son amour.

Comme si l’ambiance condamnait au langage des signes, elle fit comprendre au chirurgien qu’elle devait sortir, qu’elle en avait besoin, que c’était vital. Jérôme suivait tous ses mouvements, soulevant même légèrement sa tête de l’oreiller pour la voir s’éloigner vers la porte. Il y avait dans son regard une telle supplique, une telle prière que le chirurgien en attendait un dénouement qu’il souhaitait de tous ses vœux. La médecine à parfois besoin d’un petit coup de pouce et il sentait qu’il était en train de se produire.

Sous la main d’Astrid, la poignée de la porte dégagea le pêne de la serrure dans son petit claquement caractéristique sans que la porte ne s’ouvre. Malgré sa fatigue, elle n’arrivait pas à s’y résoudre.

Elle se retourna et ce fut comme un éclair, Jérôme se mit à crier, Astrid, reviens je t’aime. Je t’en prie ne t’en va pas et il répéta, je t’aime avant de s’effondrer dans un nouvel évanouissement.


Sphyria
Envoyé le :  30/10/2023 12:58
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 25/4/2021
De: France
Envois: 27561
Re: LA LUMIERE DE VIE -5 - Retour Ă  la vie
Une suite emplie de suspense et d'Ă©motion !
Sybilla
Envoyé le :  1/12/2023 23:25
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95621
Re: LA LUMIERE DE VIE -5 - Retour Ă  la vie
Bonsoir Guy,

Superbe récit empli de rebondissements !



Belle soirée poète Guy!
Prends bien soin de toi
Sybilla


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Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates ""réelles"" de parution.

Le rĂŞve est le poumon de ma vie (Citation de Sybilla)

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